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Selon un sondage, 59 % des Allemands refuseraient l’idée de prendre les armes pour défendre leur pays en cas de conflit

Pierre SAUVETON
4 août 2025 4 Mins de lecture

En à peine trois ans, la donne sécuritaire a changé : l’invasion de l’Ukraine par la Russie puis l’incertitude américaine ont poussé l’Allemagne à rompre avec des décennies de retenue. Le Bundestag a ainsi adopté un budget Défense de 82,7 milliards d’euros pour 2026, complété par 25,5 milliards du fonds spécial de 2022 – un bond spectaculaire depuis les 32,4 milliards de 2014. L’objectif affiché : d’abord franchir le seuil symbolique des 2 % du PIB, puis viser 5 % à l’horizon 2032, pour transformer la Bundeswehr en l’une des armées conventionnelles les mieux dotées d’Europe.

Gros budgets, petits taux de service

Pour alimenter cette mue, le ministre de la Défense Boris Pistorius a dévoilé un « nouveau service militaire ». Dès 2028, chaque jeune de 18 à 25 ans recevra un questionnaire d’orientation professionnelle : obligatoire pour les hommes, facultatif pour les femmes. Si le volontariat ne suffit pas à recruter les 40 000 nouveaux soldats annuels envisagés, la conscription (suspendue en 2011) pourrait rebondir après un examen médical. Cette formule « hybride » vise à maintenir la pression sur les effectifs sans relancer brutalement un service national qui suscite des réserves, notamment parmi les 18-29 ans, dont 61 % se disent déjà hostiles à tout retour de la Wehrpflicht (conscription).

Toutefois, la modernisation bute sur des lacunes frappantes : moins de 30 % des bâtiments de surface de la marine et environ 40 % des hélicoptères sont jugés pleinement opérationnels, tandis que seulement 10 A400M sur 30 sont prêts à voler en continu. Dans l’armée de terre, à peine 40 des 350 véhicules de combat Puma remplissent les critères de « guerre », et la flotte de chars modernes peine à atteindre ses objectifs. Sur le terrain, en Lituanie, les soldats déployés dénoncent le manque de tenues adaptées à l’hiver balte, rappel cruel d’une armée longtemps pensée pour éviter le front. L’écart entre promesses budgétaires et réalité opérationnelle interroge : il faudra des mois, voire des années, pour aligner la technique sur l’ambition.

Le soutien de l’opinion publique reste cependant solide… sur le plan financier. Selon un sondage Forsa pour le RND (publié le 3 août 2025), 67 % des Allemands approuvent le doublement des crédits d’ici 2032, tandis que seulement 30 % s’y opposent. Mais l’enthousiasme vacille dès qu’il s’agit d’engagement personnel : 59 % déclinent l’idée de prendre les armes pour défendre leur pays, un rejet particulièrement marqué chez les femmes (72 %) et les plus de 60 ans (68 %). En revanche, 88 % se disent prêts à contribuer à la protection civile – évacuations, secours, maintenance des infrastructures – révélant un pragmatisme nettement tourné vers la résilience plutôt que la combativité.

Forger une culture militaire allemande rénovée

Ce paradoxe a ses racines dans l’histoire de la Bundeswehr. Créée en 1955 sous la supervision des Alliés, elle fut conçue comme une armée de non-emploi, strictement défensive, sous contrôle parlementaire et toujours solidaire de l’OTAN. L’« innere Führung », ce concept de « citoyen en uniforme » libre de désobéir en conscience, visait à prévenir toute dérive autoritaire. Les uniformes sans ornement, l’interdiction du pas de l’oie et la suppression de la glorification martiale ont inscrit durablement une culture d’autolimitation, faisant aujourd’hui de la Bundeswehr une organisation peu habituée aux décisions rapides de combat.

Allemagne Bundeswehr
Photo © Bundeswehr – Patrik Bransmoeller

À ce modèle s’ajoute une administration kafkaïenne. Les procédures d’acquisition, de la simple visée optique au drone de combat, peuvent s’étirer sur plusieurs années, retardant la mise en service des matériels. La double chaîne de commandement – nationale et alliée – garantit la légitimité démocratique, mais alourdit la prise de décision stratégique. Des voix, comme celle de l’ex-PDG d’Airbus Tom Enders, évoquent une « caste de généraux hypertrophiée », tandis que le général Alfons Mais n’y allait pas par quatre chemins en février 2022 en dénonçant une armée « plus ou moins à sec ».

Pour devenir réellement « apte à la guerre » (kriegstüchtig), comme l’a souhaité Boris Pistorius, Berlin devra dépasser la simple logique budgétaire. Il faut aujourd’hui bâtir un récit fédérateur, réunissant la Nationale Volksarmee d’hier et la Bundeswehr d’aujourd’hui, autour d’une culture militaire rénovée. Cela passe par une formation rénovée – intégrant systématiquement l’histoire des conflits passés pour forger l’esprit tactique – et par la valorisation d’un « combattant responsable », capable de concilier honneur, devoir et contrôle démocratique.

Au terme de cette « Zeitenwende », l’Allemagne devra traduire budgets et lois en compétences, en volontaires et en une volonté collective clairement affirmée. Le défi est double : réconcilier l’Allemagne avec son héritage d’autolimitation et lui donner les moyens, humains et matériels, de tenir son rang dans une Europe à nouveau exposée à la guerre. Une révolution culturelle autant que stratégique, dont la réussite dépendra de l’adhésion du citoyen au-delà des chiffres et des discours politiques.

Photo © Bundeswehr – Marco Dorow

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