Rivolier prend le contrôle de Verney-Carron et redonne vie à son héritage
Après plusieurs mois sous le régime du redressement judiciaire, Verney-Carron, dernier fabricant français d’armes de petit calibre, retrouve un repreneur national. Le tribunal de commerce de Saint-Étienne a choisi le groupe Rivolier face à l’offre du belge FN Browning, soulignant l’importance de préserver l’activité locale et le savoir-faire hexagonal.
Une reprise placée sous le signe du savoir-faire local
Rivolier, installé à Saint-Just-Saint-Rambert, avait tissé des liens étroits avec Verney-Carron depuis plusieurs années, en tant que distributeur exclusif de ses produits. En dépit de la puissance financière de FN Browning (environ 930 M€ de chiffre d’affaires), le tribunal a retenu le dossier ligérien (320 salariés, 150 M€ de CA) pour sa connaissance fine des process industriels et des marchés domestiques. À l’appui de cette décision, Rivolier s’est engagé à sauvegarder l’essentiel de la force de travail : 55 collaborateurs sur 66 seront intégrés au nouveau projet dès cet été. Plus tôt cette année, Rivolier a pris le contrôle majoritaire d’Hexadrone, un fabricant français de drones, renforçant ainsi son positionnement dans le secteur de la défense. Enfin, le tribunal a mis en avant l’enjeu stratégique d’ancrer le patrimoine industriel et les droits de propriété intellectuelle de Verney-Carron sur le sol français, plutôt que de confier cette filière à un acteur étranger.
Enjeux et perspectives pour Verney-Carron
Pour mener à bien la transition, Rivolier s’appuie sur un partenariat capitalistique (65 % pour Rivolier, 35 % pour RSBC, family office tchèque déjà présent chez Arex et Steyr). L’accord prévoit la location du site actuel pendant trois ans, le temps de financer et de construire une unité de production moderne, toujours en périphérie stéphanoise. Sur le plan commercial, Rivolier hérite d’un carnet de commandes conséquent, dont un contrat prochain de 3 000 lanceurs Cobra destinés aux forces de l’ordre, ainsi que 650 flash-ball à livrer pour les polices municipales.
Socialement, si l’essentiel des emplois est maintenu, le départ de onze salariés suscite des inquiétudes du côté des syndicats locaux. Néanmoins, la perspective de relancer la production et de stabiliser la trésorerie a été saluée par le représentant CGT, qui y voit « la fin d’une phase » critique. À l’échelle territoriale, élus et collectivités expriment un soulagement, conscients de l’importance de Verney-Carron pour l’écosystème économique et industriel ligérien.
Du point de vue stratégique, Arnaud van Robais, président de Rivolier, met l’accent sur la nécessité d’étoffer l’offre défense. Jusqu’ici cantonné au marché de l’armement de chasse, Verney-Carron doit désormais se positionner auprès de la Direction générale de l’Armement (DGA) pour concevoir des produits répondant aux standards opérationnels français. L’appui financier et technique de RSBC, associé à l’expertise acquise grâce à la récente intégration d’Hexadrone, doit permettre d’accélérer la R&D et de mieux cibler les besoins des forces armées.
En optant pour une ETI française, le tribunal de commerce affirme son souhait de conserver un savoir-faire historique fondé à Saint-Étienne dès 1820. Pour Rivolier, la responsabilité est grande : il s’agit de maintenir une chaîne de production centenaire, de renforcer son positionnement sur le marché national et de réinscrire Verney-Carron parmi les acteurs de référence du secteur armurier.
Photo © JEFF PACHOUD – AFP