Lockheed Martin veut, d’ici 2028, tester en orbite un système capable d’abattre les missiles hypersoniques
Alors que la menace des missiles hypersoniques chinois et russes s’accentue, Lockheed Martin veut franchir un cap décisif : tester d’ici 2028 une capacité située en orbite capable d’abattre un engin très manœuvrant en phase de montée. C’est l’ambition présentée en début de semaine en Alabama par Amanda Pound, directrice des programmes avancés, qui affirme vouloir « démontrer cette capacité d’ici trois ans ».
Golden Dome : faire revivre les concepts spatiaux de la Guerre froide
L’idée de placer des intercepteurs en orbite n’est pas neuve : dès les années 1960, le programme BAMBI (Ballistic Missile Boost Intercept) visait déjà à frapper un missile dans sa « phase de propulsion », avant que l’ogive n’atteigne sa vitesse de croisière. Puis, sous Ronald Reagan, les « Brilliant Pebbles » du programme de la « guerre des étoiles » de Ronald Reagan proposaient une constellation de petits intercepteurs (kill-vehicles). Aujourd’hui, Lockheed Martin renouvelle cette vision, convaincu de pouvoir réussir là où le coût avait fait reculer les pionniers.

C’est le général Michael Guetlein, récemment nommé pour piloter l’architecture du « Golden Dome », qui doit préciser dans les soixante prochains jours un cahier des charges assez précis pour guider l’industrie sans verrouiller les solutions techniques. Pour sa part, Amanda Pound ne s’engage ni sur le recours à des lasers à énergie dirigée, ni sur le traditionnel « toucher-pour-tuer » (hit-to-kill), expliquant que « toute discussion détaillée sur les technologies viendra une fois l’architecture définie ».
La force de ce bouclier résidera autant dans l’engin lui-même que dans la capacité à coordonner en moins de quelques secondes données spatiales, radars terrestres et capteurs navals. Thad Beckert, directeur de la stratégie chez Lockheed Martin, insiste sur « l’automatisation poussée et l’interopérabilité sans précédent » nécessaires pour détecter, suivre et désigner l’intercepteur optimal, qu’il soit spatial ou terrestre.
Collaborer pour concurrencer SpaceX
Lockheed Martin sait aussi qu’il ne gagnera pas seul ce défi. Face à SpaceX, dont le coût de lancement est inégalé, Amanda Pound estime que « la volumétrie demandée par le gouvernement exigera plusieurs primes et une large palette de partenaires ». Pour encourager cette collaboration, l’industriel a mis en place en Virginie un « hub de prototypage » numérique, accueillant startups et grands groupes autour de simulations d’engagement orbital.
Au-delà de la démonstration technologique, c’est la protection des satellites critiques qui est en jeu. Comme le soulignait le ministre des Armées Sébastien Lecornu dans Vers la guerre ? (2024, Plon), « les capacités d’agression contre les satellites se développent à une vitesse importante » et bientôt « ces acteurs de l’espace se répartiront en deux catégories : ceux qui sauront se défendre physiquement, et ceux qui resteront vulnérables ».
Illustration © Lockheed Martin