Le Commandement de l’espace et l’US Space Force préparent une nouvelle « opération » de manœuvres coordonnées en orbite
Selon AviationWeek, les États-Unis et la France préparent une deuxième mission de manœuvres coordonnées entre satellites militaires. L’objectif est d’améliorer l’interopérabilité et la précision des opérations alliées dans un environnement orbital devenu plus dense, plus rapide et plus contesté.
Un espace plus dense et plus risqué depuis 2022
Cette nouvelle étape s’inscrit dans une dynamique de coalition déjà visible avec l’exercice mené début septembre avec le Royaume-Uni autour du satellite de télécommunications militaire SKYNET 5A en orbite géostationnaire (GEO), destiné à vérifier son bon fonctionnement et à éprouver la coordination technique en vol. Comme l’a résumé le lieutenant-général Douglas Schiess et commandant de l’US Space Force : « Nous préparons actuellement une opération avec la France. »
Derrière ces exercices, un glissement s’opère. Les rendez-vous et opérations de proximité (RPO) ne sont plus de simples démonstrations technologiques ; ils deviennent un outillage opérationnel assumé. Manœuvrer en orbite à très haute vitesse, caractériser un comportement suspect, partager l’information en temps quasi réel et décider sans déclencher d’escalade exige des procédures communes, une attribution fine des comportements en orbite et une confiance mutuelle entre partenaires. La France y joue un rôle central, à la fois comme acteur opérationnel et comme moteur politique d’une réponse européenne plus cohérente.
Le contexte sécuritaire explique cette accélération. Depuis 2022, les activités hostiles ou inamicales se multiplient en orbite : brouillage, aveuglement laser, intrusions cyber, approches non coopératives. La guerre en Ukraine a servi de révélateur en montrant le poids du spatial dans la conduite des opérations modernes. Plusieurs responsables occidentaux alertent par ailleurs sur la prolifération de capacités antisatellites, un facteur de risque direct pour les communications, l’alerte avancée et la connaissance de situation. L’enjeu n’est plus seulement de surveiller, mais d’être en mesure de prévenir, d’entraver et, le cas échéant, de contrer. « Le Commandement de l’espace doit se préparer à des opérations spatiales militaires en conditions réelles », souligne-t-on à Toulouse.
YODA, EGIDE, TOUTATIS : les démonstrateurs qui arrivent
Côté français, la feuille de route combine montée en puissance opérationnelle et résilience industrielle. Le Commandement de l’espace (CDE), basé à Toulouse, structure l’entraînement avec l’exercice AsterX, consolide les coopérations bilatérales et au sein des alliances, et prépare des scénarios d’engagement réalistes. L’effort capacitaire vise le renouvellement des moyens d’observation (CSO1), de renseignement électromagnétique (CERES2), de communication sécurisée (Syracuse3) et l’extension de la surveillance de l’espace sur toutes les orbites (GRAVES4 et son successeur). En parallèle, Paris pousse des démonstrateurs pour l’« action dans l’espace » et la protection active, avec YODA5 en orbite géostationnaire, EGIDE à terme, et TOUTATIS en orbite basse.
Pour Vincent Chusseau, nouveau Commandant de l’espace, la boussole est claire : « Il faut être au rendez-vous pour diminuer nos vulnérabilités, augmenter nos capacités de protection, mais également maîtriser l’escalade. Nous devons nous doter de capacités de renseignement, d’appui spatial aux opérations et de surveillance de l’espace. Cela nécessite de revoir les architectures traditionnelles. Il faut être capable de redescendre l’information spatiale au niveau tactique. » Autrement dit, l’enjeu est d’aligner capteurs, réseaux et doctrine pour accélérer la boucle décisionnelle sans perdre le contrôle politique et juridique des actions menées en orbite.
Cette trajectoire répond aussi à une transformation du marché. La massification des constellations commerciales rend les armées plus performantes, mais aussi plus dépendantes. La diffusion de capteurs, l’intelligence artificielle (IA) embarquée et la réduction du temps entre détection et effet raccourcissent les cycles de décision. Il faut donc partager la donnée utile au niveau tactique, tolérer les pannes, contourner le brouillage et, si nécessaire, neutraliser une menace sans provoquer de dommages collatéraux en chaîne.
La prochaine mission conjointe franco-américaine doit être lue à cette aune : normaliser des opérations alliées jusqu’en orbite haute et affiner des règles d’engagement communes. L’enjeu est autant technique que politique : préserver la liberté d’action des démocraties en orbite, crédibiliser la dissuasion spatiale et réduire le risque de malentendus dans un ciel désormais très fréquenté.