Ariane 6 lancera les deux satellites SATCOMBw-3 de la Bundeswehr
Arianespace a signé avec Airbus Defence and Space le contrat de lancement des deux satellites géostationnaires du programme SATCOMBw Stufe 3 (SATCOMBw-3) de la Bundeswehr. Les mises en orbite se feront depuis Kourou lors de deux vols Ariane 6, dont ArianeGroup est maître d’œuvre.
Ce nouveau système succédera à la paire COMSATBw (2009–2010). En juillet 2024, Airbus s’est vu confier la maîtrise d’œuvre du programme (satellites, segment sol, lancements et 15 ans d’exploitation), pour un montant de 2,1 milliards d’euros. Objectif : assurer des communications militaires sécurisées, durcies et résilientes, à l’échelle des engagements allemands et alliés d’ici la fin de la décennie.
Le contrat de lancement intervient alors que Berlin change d’échelle. Le ministre fédéral de la Défense, Boris Pistorius, a annoncé un investissement de 35 milliards d’euros dans les capacités spatiales d’ici 2030 : capteurs, communications, segment sol, cybersécurité, et moyens de réponse proportionnés aux menaces en orbite. Ce cap budgétaire s’accompagne d’un discours de fermeté sur la « zone grise » spatiale, marqué par les opérations de proximité (RPO) et le brouillage. Pistorius a notamment alerté sur deux satellites russes Luch-Olymp qui « suivent » des Intelsat utilisés, entre autres, par les forces allemandes.
Ariane 6 au cœur du tempo européen
Dans ce contexte, le choix d’Ariane 6 revêt une portée double. Industrielle d’abord : il sécurise des créneaux de lancement pour des charges critiques et soutient la montée en cadence du nouveau lanceur européen. Stratégique ensuite : il illustre la volonté de garantir un accès autonome à l’espace pour des missions souveraines, dans un marché tendu par la raréfaction des options et la concurrence des lanceurs non européens. Arianespace le revendique : l’accès à l’orbite des satellites gouvernementaux européens est une mission « cœur ».

Sur le fond, SATCOMBw-3 coche les cases que Berlin place désormais au premier plan : continuité de service, chiffrement, durcissement cyber et redondance. L’investissement allemand vise également à accélérer la boucle « détecter-attribuer-agir » : une meilleure connaissance de la situation spatiale (radars, télescopes, capteurs en orbite), des liaisons plus robustes pour la conduite des opérations interarmées, et la capacité à rétablir le coût d’une manœuvre hostile sans générer de débris. En filigrane, l’enjeu européen est clair : tenir le tempo par des livraisons incrémentales, réduire les doublons entre programmes nationaux, UE et OTAN, et bâtir l’interopérabilité « by design ».
Reste le calendrier. Airbus doit livrer les deux satellites « avant la fin de la décennie » et opérer l’ensemble pendant au moins 15 ans. La réussite passera par une synchronisation fine entre segment sol modernisé, fenêtres Ariane 6 et exigences opérationnelles. Avec ce contrat, l’Allemagne pose une brique visible de sa stratégie à 35 milliards d’euros : sécuriser ses communications et envoyer un signal de crédibilité industrielle et stratégique à l’échelle européenne.
Photo © AFP – Emmanuel Dunand