Une opération de sabotage coordonnée, digne d’un thriller d’espionnage mais bien réelle, a visé l’Europe à l’été 2024. Plusieurs colis contenant des engins incendiaires ont été expédiés via DHL depuis Vilnius à destination de hubs logistiques à Leipzig, Varsovie et Birmingham.
Un feu se déclare. Puis un deuxième. Puis un troisième. Derrière ces incidents, les enquêteurs européens identifient une main cachée : le GRU, le renseignement militaire russe. Et en son sein, un nom : le colonel Denis Alexandrovich Smolyaninov.
Le rôle central de Denis Smolyaninov
Spécialiste des opérations psychologiques et chef de la “direction ukrainienne” du GRU, Smolyaninov supervise depuis des années des actions clandestines de déstabilisation : recrutement d’agents via Telegram, pilotage de sociétés militaires privées comme Longifolia et Convoy, déploiement de réseaux en Ukraine avant l’invasion, et coordination de sabotages logistiques en Europe.
Selon des documents obtenus par le Dossier Center, il travaille depuis 2014 sur des scénarios visant à perturber le trafic aérien civil, notamment par le brouillage des communications entre cockpits et tours de contrôle ou l’interférence avec les systèmes d’atterrissage. En 2024, il passe à l’action. Le transport aérien devient une cible directe de la guerre hybride russe. Le feu dans les colis n’est sans doute qu’un début : des “tests” auraient été menés vers les États-Unis et le Canada. Objectif probable : évaluer les failles des chaînes logistiques transatlantiques.
Agents jetables, colis piégés : la nouvelle arme du GRU
Le modus operandi repose sur l’utilisation d’”agents jetables“, jeunes délinquants ou marginaux recrutés en ligne, souvent sans conscience du rôle stratégique qu’ils endossent. Les paquets sont postés sous de fausses identités, vers de fausses entreprises londoniennes. Le tout pour 109 euros.
Mais derrière cette façade artisanale se dessine une stratégie bien rodée : frapper sans déclaration, affaiblir sans escalade, intimider sans envahir. Selon le renseignement allemand (BND), les services russes “ne reculent plus devant la mise en danger de vies humaines“. Et pour cause : un incendie en vol aurait pu provoquer une catastrophe aérienne.
Ce sabotage de haute précision illustre la transformation du GRU en machine d’agression systémique. Le message est limpide : le front n’est plus seulement à l’Est, il est dans nos entrepôts, nos aéroports, nos liaisons logistiques. Une alerte que l’Europe aurait tort de minimiser. Non pour sombrer dans le sensationnalisme, mais pour comprendre que la guerre moderne, dans sa phase grise, privilégie la peur, le doute, la désorganisation. Et qu’elle est déjà là.