La DGSI renouvelle son contrat avec Palantir pour trois ans
La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a rempilé avec Palantir. Trois ans de plus pour ce que les initiés résument en un acronyme – « OTDH », outil de traitement des données hétérogènes – mais qui, dans les faits, ressemble à une colonne vertébrale : celle qui permet d’assembler, de trier, de relier, d’exploiter des masses d’informations disparates. L’outil a été installé dans l’urgence après les attentats du 13 novembre 2015. Depuis, il devait rester « transitoire ». Le provisoire, une fois encore, s’installe.
Ce renouvellement dit quelque chose de la nature même du renseignement intérieur : l’efficacité n’a pas le luxe des chantiers interminables. Remplacer une plateforme de ce type, ce n’est pas « changer de logiciel ». C’est migrer des modèles de données, reconfigurer des chaînes d’analyse, revalider des procédures de contrôle, réentraîner des équipes, garantir une traçabilité impeccable. Dans un univers où la menace évolue vite (terrorisme, ingérences étrangères, cyber) la DGSI choisit la continuité. Même si le choix heurte, par ricochet, la vieille promesse d’autonomie et de souveraineté.
ChapsVision face à Palantir
Car derrière Palantir, c’est la question de la souveraineté technologique française qui revient, têtue. Non seulement « où sont les données ? », mais surtout « qui tient la main sur l’outil ? ». Dépendance logicielle, capacité de maintenance, maîtrise des évolutions, coût de sortie : tout ce qui n’apparaît pas dans un communiqué finit par peser lourd dans la durée. Plus un système s’enracine, plus la bascule devient une opération à haut risque et donc à haut coût politique.
C’est précisément sur ce terrain que ChapsVision s’est imposé comme l’alternative française la plus citée. L’entreprise a multiplié les acquisitions et les investissements, s’est structurée pour adresser des besoins souverains, et revendique sa capacité à remplacer un acteur américain dans des usages critiques. Son message est simple : la France a les briques, les talents, et le marché. Pourtant, la DGSI ne bascule pas. Ce décalage raconte l’angle mort des débats publics : dans le renseignement, l’exigence n’est pas seulement d’être « souverain ». Elle est d’être souverain sans rupture, sans régression, et à un niveau de confiance quasi absolu.
Au fond, la reconduction du contrat Palantir est moins un triomphe américain qu’un révélateur français. La souveraineté n’est pas un slogan, c’est une trajectoire industrielle, longue, coûteuse, et souvent ingrate. Tant qu’elle restera présentée comme une « transition » sans calendrier lisible, le transitoire continuera d’être très durable. Et les acteurs nationaux, ChapsVision en tête, devront prouver non seulement qu’ils savent faire… mais qu’ils savent remplacer.
Photo © Nicolas Messyasz