La start-up américain de la new defense Shield AI a présenté à Washington son X-BAT, un aéronef à décollage et atterrissage verticaux (VTOL) piloté par une intelligence artificielle (IA). L’ambition est limpide : produire des effets de « chasseur » sans piste, depuis des ponts de navires, des îles ou des zones sommaires, et tenir la distance dans des environnements saturés de menaces.
« Earth is Our Runway » : lancer de n’importe où
X-BAT adopte une configuration dite « tailsitter ». Concrètement, l’appareil décolle à la verticale, passe en vol horizontal pour la croisière, puis revient se poser debout. Un turboréacteur de classe chasseur, associé à une poussée vectorielle, assure la transition vertical/horizontal. La cellule est compacte pour réduire l’empreinte logistique : stockage facilité, remise en œuvre rapide, transport discret. La mise en œuvre s’appuie sur un véhicule de lancement et de récupération dédié, une sorte de base mobile sur remorque ; une aire dégagée de l’ordre de 30 sur 30 mètres suffit pour opérer (« Earth is Our Runway »).
Le « poste de pilotage » est logiciel. L’autonomie prend en charge navigation, détection, évitement, tir selon des règles fixées en amont, et retour à la base, y compris en cas de liaisons perturbées. Le contrôleur – humain- formule l’intention, valide l’engagement et supervise. Cette architecture s’accompagne d’une logique d’entraînement moderne : jumeaux numériques, simulation de masse, vols sur plateformes de substitution, mises à jour logicielles fréquentes.
Côté mission, le design vise la polyvalence. Des soutes internes préservent la discrétion ; des points d’emport externes augmentent l’emport si nécessaire. L’architecture ouverte doit faciliter l’intégration de capteurs ISR, de suites de guerre électronique et d’armements air-air ou air-surface, avec l’idée d’optimiser la « valeur par effet » plutôt que de rivaliser avec la charge maximale d’un chasseur habité. L’intérêt opérationnel est évident dans des scénarios A2/AD1 : en s’affranchissant des pistes et en réduisant la dépendance aux ravitailleurs, X-BAT multiplie les points de départ, complique le ciblage adverse et permet des repositionnements rapides.

De Fury à Ghost Bat : la montée en gamme des drones de combat
Le X-BAT arrive dans un paysage où les drones de combat collaboratifs (CCA) et les « loyal wingman » montent en puissance. Des acteurs comme Anduril (Fury), General Atomics (plateformes CCA de nouvelle génération) ou Kratos (XQ-58A Valkyrie) misent sur des appareils à long rayon d’action, furtifs et attritionnables, pensés pour voler en meute avec des aéronefs habités. Boeing, avec le MQ-28 « Ghost Bat » en Australie, incarne la même tendance : capteurs et effets distribués, coût maîtrisé, cadence élevée.
La particularité de Shield AI tient au VTOL à réaction. Peu d’industriels cherchent à combiner autonomie, longue portée et décollage vertical sur un même vecteur. C’est l’angle différenciant de X-BAT : offrir des effets de chasseur sans la contrainte de la piste, depuis des plateformes navales variées ou des sites austères. Cette promesse s’accompagne toutefois de défis spécifiques : robustesse des transitions verticales, gestion des flux d’air lors des approches, endurcissement cyber des chaînes logicielles, et montée en cadence conjointe des aéronefs et des véhicules de lancement.
Si les performances se confirment et si l’industrialisation suit, X-BAT peut devenir un standard d’une aviation de combat plus mobile, plus résiliente et moins dépendante des bases fixes. Pour les forces, c’est la possibilité de générer du tempo « depuis n’importe où ». Pour les industriels, un nouveau segment « runway-independent » à forte valeur ajoutée, où la différenciation se jouera autant dans l’autonomie et l’intégration système que dans l’aérodynamique. La feuille de route est ambitieuse ; la preuve viendra du premier vol prévu en 2026, puis de la capacité à livrer en nombre dès 2029 selon l’industriel.
- Déni d’accès et interdiction de zone (Anti-Access / Area Denial) ↩︎
Image © Shield AI