Les Européens sont sortis de leur torpeur stratégique. Ce n’est pas un éditorialiste américain qui le dit, mais un marin français. Le 12 février dernier, devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, l’amiral Pierre Vandier, ancien chef d’état-major de la Marine nationale et aujourd’hui commandant suprême allié pour la transformation de l’OTAN, a livré un constat limpide : l’Europe doit sortir de l’illusion stratégique.
L’Europe face au retour brutal du rapport de force
Selon l’amiral Vandier, l’Europe a longtemps cru pouvoir contenir la guerre par le droit, le commerce et la diplomatie. Mais la réalité s’impose. La Russie produit en un mois autant de munitions que l’OTAN en un an. La Chine, de son côté, quadruple son arsenal nucléaire. Les Européens ont parié sur l’excellence technologique, avec des équipements sophistiqués mais livrés au compte-gouttes. Ce modèle ne tient plus.
“Nous avions désinvesti dans l’industrie et nous nous concentrions sur des matériels très pointus, en petite quantité.” – Amiral Vandier
La capacité de production de masse, jugée ringarde hier, est redevenue l’un des critères majeurs de puissance militaire.
L’espace : un champ de bataille stratégique
Autre signal d’alerte : l’espace. Longtemps perçu comme un sanctuaire ou un domaine technologique neutre, il est désormais un théâtre d’affrontement.
“C’est une guerre qui ne dit pas son nom”, explique l’amiral.
Entre la militarisation des orbites et la chute spectaculaire des coûts d’accès grâce à SpaceX, le rapport de force évolue rapidement. L’Europe a signé le contrat IRIS² pour renforcer sa présence dans l’espace, mais il faudra aller plus vite si elle veut rester dans la course.
Nouvelles technologies : l’urgence de l’industrialisation
Le troisième front identifié par l’amiral Vandier est celui de la maîtrise technologique. L’Europe ne manque pas d’idées ni de talents. Mais elle tarde à transformer l’innovation en capacité opérationnelle. Les GAFAM injectent 180 milliards de dollars par an dans la recherche, contre à peine 10 milliards pour l’ensemble de l’industrie de défense européenne.
“Face aux investissements américains dans les drones, l’IA, qu’avons-nous à répondre de Palantir ?” interroge-t-il.
Pour lui, il est impératif que les projets scientifiques deviennent des programmes industriels concrets, capables d’équiper les armées dans des délais réalistes.
Ce qu’il faut retenir : une stratégie d’exécution, pas de réflexion
L’intervention de l’amiral Vandier n’était pas une énième note stratégique : c’était un signal de détresse lucide, mais tourné vers l’action.
“L’Europe est parfaitement en mesure de rivaliser mondialement, à condition de transformer ses ambitions en actes.”
“Agissons d’abord, nous pourrons toujours nous adapter ensuite.”
Son message est clair : l’heure n’est plus aux grandes doctrines mais aux choix concrets, immédiats, industriels et stratégiques. Fixer un cap ne sert à rien si l’on ne commence pas à avancer.