L’US Space Force déploie deux nouvelles armes pour brouiller les satellites espions chinois
Les États-Unis ne cherchent pas à détruire des satellites espions, mais à les rendre sourds au bon moment. Avec les systèmes Meadowlands et Remote Modular Terminals (RMT), l’US Space Force mise sur des effets temporaires qui brouillent les liaisons clés sans créer de débris ni franchir un seuil d’escalade. L’objectif est clair : perturber la chaîne détection-ciblage-frappe (kill chain), en particulier face aux constellations chinoises qui surveillent l’Indo-Pacifique presque en continu.
Le problème côté chinois est bien identifié : Pékin aligne près de 1 200 satellites, dont plus de 500 dédiés au renseignement, à la surveillance et à la reconnaissance. Cette toile multi-capteurs (optique, radar, radiofréquences) permet de suivre un groupe aéronaval, de repérer une logistique ou d’alimenter des frappes à longue portée. Le nœud stratégique n’est pas l’objet spatial en lui-même, mais le flux de données qui relie senseurs, centres de traitement et effecteurs.
La réponse américaine cherche à casser ce tempo. Des brouilleurs mobiles, dispersés et parfois téléopérés créent des trous dans la couverture : pertes de liaison, retard sur la boucle de décision, baisse de qualité du renseignement. Quelques minutes gagnées peuvent décaler une fenêtre de tir, masquer un mouvement, ou compliquer l’agrégation des données adverses. Cette approche est réversible, modulable et politiquement tenable ; elle réduit le risque d’emballement tout en dégradant la cohérence de la « kill chain » ennemie.
Des systèmes conçus pour l’Indo-Pacifique
Côté produits et organisation, Meadowlands, développé par L3Harris, est un brouilleur terrestre à architecture logicielle, plus compact, automatisé et pilotable à distance. Là où l’ancienne génération tenait dans un « bus », la nouvelle tient dans un « SUV » ; deux unités ont été livrées avec environ six mois d’avance et sont en essais au sein de l’armée américaine, la montée en puissance courant jusque fin 2025 selon Bloomberg. En parallèle, les Remote Modular Terminals (RMT), conçus par Northstrat avec CACI sous la houlette du Space Rapid Capabilities Office, misent sur la masse : une première vaque de onze systèmes, un financement pour environ 160 et un besoin estimé jusqu’à 200 unités, pour un coût unitaire autour de 1,5 million de dollars.

Déployables à l’étranger et téléopérables depuis les États-Unis, ils priorisent l’Indo-Pacifique. Le Space Operations Command forme et emploie, tandis que le Space Systems Command encadre les programmes, et le Space Electromagnetic Tactical Operations Center coordonne l’ensemble, avec des capteurs comme Bounty Hunter pour détecter les interférences.
Pour les alliés, la leçon est simple : la maîtrise du spectre électromagnétique dans l’espace devient un pilier au même rang que la défense aérienne et le cyber. L’enjeu n’est pas de copier les équipements américains, mais d’intégrer une chaîne complète et interopérable (détection, brouillage, procédures communes et entraînement) afin de peser sur le facteur décisif d’un conflit connecté : voir… et empêcher l’adversaire de voir au moment critique.
Photo d’un système RMT © US Space Force