L’armée de Terre passe au ROEM embarqué avec le Serval dédié à la guerre électronique
La Direction générale de l’armement (DGA) a qualifié la version « guerre électronique » du blindé léger Serval produit par KNDS France et Texelis. C’est une première pour l’armée de Terre : un véhicule de la famille SCORPION embarque désormais, de série, des capteurs capables d’intercepter, de localiser et d’exploiter les émissions adverses au plus près des unités.
Une capacité SIGINT embarquée au plus près des unités
Conçu pour être mobile et modulaire, le Serval transporte jusqu’à dix soldats et s’appuie sur les systèmes collaboratifs SICS (système d’information du combat de Scorpion) et CONTACT pour partager en temps réel les données collectées. Autrement dit, ce n’est plus seulement un transport protégé : c’est un nœud d’information.
Les premiers Serval GE doivent rejoindre le 54e régiment de transmissions (54e RT), à Haguenau, au second semestre 2025. Le régiment, spécialiste du renseignement électromagnétique, les éprouvera notamment lors de l’exercice Small Joint Operations 2025. La logique est interarmées : la même famille de capteurs doit, à terme, équiper des frégates de premier rang, les Atlantique 2 de patrouille maritime et des moyens déployables pour l’Armée de l’Air et de l’Espace. Objectif : homogénéiser le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) et améliorer la corrélation des données du niveau tactique au niveau national et allié.
Concrètement, l’arrivée du Serval GE doit aider les chefs tactiques à mieux voir et décider : cartographier en quasi temps réel les réseaux ennemis, sécuriser les propres liaisons, préparer des feux de précision. C’est aussi un signal doctrinal : la valeur d’un blindé se mesure désormais autant à sa place dans le réseau qu’à sa protection ou à son armement.
Le retour d’expérience d’Ukraine : rapprocher le ROEM du front
La qualification du Serval GE s’inscrit dans une leçon venue du front ukrainien : face aux menaces saturantes (Shahed, essaims de drones, drones FPV à bas coût), la défense ne peut reposer uniquement sur des missiles coûteux. L’Ukraine a donc accéléré sur la guerre électronique, en multipliant capteurs légers et solutions agiles. Le « spoofing » (détournement de navigation) a fait ses preuves : une part croissante de drones n’atteint plus sa cible. S’ajoutent réseaux acoustiques, contributions citoyennes et intégration dans la chaîne de commandement.

Dernier développement marquant : le projet Atlas, un « mur » de 1 500 km combinant environ 8 500 unités de détection et de brouillage interconnectées. Détection des signaux de commande et de télémétrie jusqu’à une trentaine de kilomètres, brouillage sélectif pour neutraliser les drones ennemis tout en préservant les vecteurs amis, consommation maîtrisée, activation automatique pour ne pas exposer les opérateurs : la recette est claire. La priorité n’est plus au « bijou technologique » rare, mais à la couverture continue, distribuée et pilotable à distance.
Ces enseignements convergent : pour tenir dans la durée, il faut rapprocher le ROEM du front, le rendre mobile, réactif et interopérable. Le Serval GE coche ces cases. En dotant les unités de mêlée d’une capacité SIGINT embarquée, la France aligne son outil terrestre avec les réalités d’un champ de bataille où la maîtrise du spectre électromagnétique conditionne la protection des forces, la précision des feux et, in fine, l’avantage décisionnel.
Photo © Thales