« Nous avons développé nos produits sur la base de la low tech. »​ Interview de Clément Saglio (Fondateur de Pangolin Défense)

Aujourd'hui nous échangeons avec Clément Saglio, Fondateur et Directeur Général de Pangolin Défense. La start-up, basée en Haute-Marne, a l'ambition de révolutionner la protection du combattant et développe un système innovant de protection balistique modulaire utilisant des billes de verre trempé.


En quoi votre technologie de protection balistique pour véhicules, qui a retenu l’attention de l’Agence de l’innovation de défense (AID), est-elle innovante ? 

En 2020, Pangolin Défense a breveté une technologie innovante de protection balistique composée de billes de verre trempées. Cette innovation, qui n’est pas encore disponible sur le marché, offre plusieurs avantages : légèreté (30 à 50% plus léger que des configurations en acier ou céramique et à protection équivalente), faible coût, flexibilité permettant de s’adapter à toutes les structures (véhicules, bateaux, etc.) et grande disponibilité de la matière première en France.

L’idée initiale de ce projet était de pouvoir renforcer les véhicules qui n’étaient pas destinés à être protégés auparavant. Pour approfondir son développement, nous avons obtenu à l’automne 2021 un financement de 1,3 million d’euros de la part de l’Agence de l'innovation de défense (AID) dans le cadre de son dispositif RAPID (régime d’appui à l’innovation duale) avec le soutien de notre parrain, l'industriel Arquus.

Ce mentoring nous permet de définir des objectifs, d’échanger sur le cahier des charges (performances balistiques, poids, prix, etc.) et de nouer une vraie relation de confiance avec un acteur majeur de l’industrie de défense française.

Vos produits dépendant de plusieurs matériaux comme la céramique, comment une start-up de la défense fait-elle face à la pénurie de matières premières ?

Nous travaillons principalement avec deux matériaux : la céramique et les fibres. Malheureusement, vous ne trouverez aucun de ces matériaux en France, sauf à des prix très élevés. 

En 2022, trouver les bons fournisseurs a été une recherche permanente. Chez Pangolin Défense, la pénurie de matières premières a été très liée à la guerre en Ukraine mais aussi au fait que nous étions nouveaux sur le marché. Malgré notre faible besoin en céramique, nous avons dû faire les fonds de tiroirs de beaucoup de fabricants dans le monde, en Asie en passant par l’Amérique latine et même l’Afrique du Sud.

Depuis, nous avons pu trouver des fournisseurs, nouer de bonnes relations et recentrer nos importations depuis l’Europe et les États-Unis. Malgré ces problématiques, pour notre première année commerciale en 2022, nous avons livré quelques milliers de gilets pare-balles. 

Nous avons l’ambition d’aller attaquer de nouveaux marchés au Moyen-Orient et aux États-Unis.

Clément Saglio, Pangolin Défense

Pangolin Défense a choisi de produire vos produits en France, une démarche plus qu'honorable, quel regard portez-vous sur la désindustrialisation de certains segments de notre industrie de défense ?

Chez Pangolin nous avons à cœur de produire nos protections en France. Certes, nous ne produisons pas 100% de nos produits en France car la partie textile (housse du gilet pare-balles) est extrêmement onéreuse, mais la partie à haute valeur ajoutée, comprenant la protection balistique, est totalement produite en France.

Nous avons développé nos produits sur la base de la low tech. Au départ, nous n’avions pas beaucoup de moyens financiers et nous avons dû faire avec les moyens du bord, tout en offrant des produits innovants. Le principe de la low tech est de pouvoir grandir rapidement sans faire trop d’investissement.

Le processus de désindustrialisation touche tous les secteurs, et même s’il y a malheureusement des entreprises qui sont rachetées, celui de la défense est assez épargné. Aujourd’hui, développer une société exclusivement dans la défense, comme nous l’avons fait chez Pangolin Défense, c’est assez complexe, mais c’est peut-être plus simple que dans d’autres secteurs.

Comment en êtes-vous arrivé à fournir vos protections balistiques à l'armée ukrainienne ? Le fonds de soutien militaire à l’Ukraine a-t-il joué un rôle ?

Malgré nos tentatives, nous ne sommes pas passés par le fonds de soutien militaire à l’Ukraine de 200 millions d’euros. Nous nous sommes fait connaître en Ukraine grâce au bon référencement de notre site Internet. Nous avons vendu quelques centaines de plaques balistiques directement à une association ukrainienne qui fournit l’armée ukrainienne. Cette guerre nous a permis de monter en puissance sur le plan industriel, mais c’est un cycle éphémère. Cela étant, nous sommes restés concentrés sur nos autres ventes, plus structurantes sur le long terme.

Vous avez créé Pangolin Défense il y a trois ans, quel regard portez-vous sur le chemin déjà parcouru ? Quel est votre meilleur souvenir jusqu'ici ? Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite ?

Mon meilleur souvenir reste notre première participation au salon SOFINS en 2021. C’était le premier “vrai” test de nos produits devant un public véritablement le plus à même de définir des besoins très concrets. C’était un moment marquant pour Pangolin Défense !

Aujourd’hui, nous continuons à agrémenter notre gamme de protections personnelles, qui commence à être assez complète, et poursuivons notre développement sur le programme de recherche RAPID.

En parallèle, nous avons l’ambition d’aller attaquer de nouveaux marchés au Moyen-Orient et aux États-Unis. Sur ce dernier, nous n’irions pas sur le marché militaire mais plutôt civil, police voire les particuliers, car ceux-ci sont très adeptes de nouvelles technologies.

Par ailleurs, nous travaillons sur plusieurs autres projets annexes qui verront le jour en partie cette année. Nous essayons aussi de nous lancer sur le marché du véhicule blindé sur des aspects de kit de surprotection de véhicule. Cela représente beaucoup de travail, mais c’est passionnant !

Par OpexNews