L’Allemagne pousse un cran plus loin la transformation de son Eurofighter en plateforme de combat électronique. Helsing, pépite européenne de l’intelligence artificielle (IA) de défense, et Saab Allemagne ont paraphé un contrat de plusieurs centaines de millions d’euros pour doter le chasseur d’un nouveau système de guerre électronique, combinant la suite de capteurs Arexis et le logiciel Cirra. Objectif assumé : pouvoir pénétrer des bulles de défense aérienne modernes et neutraliser leurs radars, y compris face à des forces dotées de moyens équivalents.
Au cœur du dispositif, Cirra s’attaque à un problème devenu central pour les forces aériennes : la prolifération de radars hyper-adaptatifs, pilotés par logiciel. Là où les bibliothèques de menaces classiques peinent à suivre, Cirra utilise le deep learning pour identifier des émetteurs inconnus, comprendre leurs modes d’emploi et inférer leurs intentions. Les algorithmes tournent directement à bord, sur une carte dédiée, pour analyser les signaux en temps réel et assister l’équipage tout au long de la mission. La chaîne de traitement, modulaire, peut s’intégrer dans différentes suites de ROEM et de GE, tandis qu’un segment sol structure les données, enrichit les bibliothèques et automatise le cycle d’amélioration continue.
Le pari d’Helsing et de la Luftwaffe
Cette brique logicielle est au cœur de l’Eurofighter EK, la version « électronique » qui doit remplacer les Tornado ECR de la Luftwaffe à l’horizon 2030 pour les missions de suppression des défenses aériennes (SEAD). Signe que l’industriel pense déjà au coup d’après : Helsing a racheté l’avionneur allemand Grob Aircraft, utilisé comme banc d’essai volant pour Cirra. De quoi disposer en propre d’une plateforme de tests et accélérer le passage du prototype au standard opérationnel.
Au-delà du seul Eurofighter, l’enjeu est clairement politique : bâtir en Europe une chaîne souveraine pour la guerre électronique, de l’avion jusqu’aux algorithmes. Dans un environnement où les radars, comme les logiciels, évoluent en quelques mois, la supériorité ne repose plus seulement sur la cellule ou le missile, mais sur la capacité à apprendre plus vite que l’adversaire. Et Helsing semble bien partie pour redéfinir, à son échelle, la manière dont les Européens conçoivent la guerre électronique aérienne.
Photo © Helsing