Airbus veut équiper la Roumanie de 90 H215M et relancer la production à Brasov
La Roumanie pourrait bientôt redevenir un acteur central de la filière hélicoptère européenne. Airbus Helicopters propose d’y assembler localement jusqu’à 90 H215M, un appareil polyvalent issu de la famille Super Puma, pour remplacer la flotte vieillissante d’IAR-330 Puma. Le groupe mise sur une coopération industrielle historique avec IAR Brasov et sur un contexte stratégique favorable, marqué par la montée en puissance des budgets de défense dans toute l’Europe.
De l’IAR-330 au H215M : une coopération industrielle relancée
L’histoire entre la Roumanie et Airbus Helicopters remonte à l’époque de l’URSS, quand Bucarest, malgré son appartenance au Pacte de Varsovie, avait établi des ponts techniques avec l’aéronautique française. C’est ainsi que les Puma et Alouette III furent produits localement sous les noms d’IAR-330 et IAR-316.
Depuis, les liens industriels n’ont jamais été rompus. En 2002, une coentreprise a permis de maintenir en condition opérationnelle les Puma roumains. Puis en 2016, Airbus a franchi une étape en construisant à Brasov une usine dédiée à la production du H215, version modernisée du Super Puma. L’objectif : offrir un hélicoptère fiable, rustique et compétitif pour des marchés soucieux du rapport qualité-prix.
Aujourd’hui, le groupe européen souhaite aller plus loin en transformant le site roumain en véritable centre de production pour la version militaire H215M. Tous les appareils destinés à Bucarest pourraient y être assemblés, ce qui représenterait un jalon industriel majeur pour le pays.
Un hélicoptère robuste pour tourner la page des Puma
Le H215M n’est pas le modèle phare d’Airbus, souvent éclipsé par son cousin plus moderne et mieux armé, le H225M. Pourtant, il offre un excellent compromis entre capacités opérationnelles, robustesse et coût. Motorisé par deux turbines Makila, il peut emporter jusqu’à 4,5 tonnes en charge externe. Son cockpit numérique, son pilote automatique quatre axes et ses équipements de mission lui permettent de couvrir un large spectre : transport, évacuation sanitaire, opérations spéciales, soutien au sol ou missions de sauvetage.
Pour la Roumanie, qui doit remplacer d’ici à 2030 ses Puma mis en service il y a plusieurs décennies, cette plateforme représente une transition naturelle. Même les appareils les plus récents de la marine, construits entre 2005 et 2008, montrent leurs limites face aux standards OTAN actuels. Les intégrer dans une chaîne logistique modernisée devient de plus en plus complexe.

Le ministère de la Défense roumain n’a pas encore lancé de procédure officielle, mais les déclarations publiques de ses anciens responsables évoquent un besoin d’environ 90 hélicoptères. Airbus anticipe cette demande et se positionne dès maintenant, en mettant en avant les avantages économiques et stratégiques d’une production nationale.
« Nous constatons une accélération générale des programmes de défense en Europe », a observé Johan Pelissier, président Europe chez Airbus, lors d’un briefing presse. Le constructeur espère que la Roumanie, après avoir investi dans des chasseurs F-16 et des systèmes Patriot, passera rapidement à la modernisation de ses capacités de transport aérien.
H215M : un second souffle pour un vétéran de l’ombre
Le H215M n’a jamais eu le destin linéaire d’un best-seller. Héritier du Cougar développé par Aérospatiale, il a été relancé en 2014, peu après la création d’Airbus Helicopters. L’appareil a longtemps souffert de la concurrence du Black Hawk américain, mais aussi des arbitrages internes en faveur du H225M. Il a même failli être abandonné à plusieurs reprises.
C’est grâce à l’intérêt renouvelé de certains pays d’Amérique latine (Chili, Bolivie, Argentine) qu’il a retrouvé une visibilité. Son intégration au système modulaire HForce, qui lui permet d’emporter des armements d’appui, a renforcé son attractivité pour les forces spéciales et les opérations asymétriques.
Aujourd’hui, le H215M reste peu présent dans les flottes européennes, hormis quelques unités opérées par la Finlande. Mais la Roumanie pourrait changer la donne. En misant sur un modèle éprouvé et une production locale, elle disposerait d’une capacité renouvelée tout en renforçant sa souveraineté industrielle. Un retour aux sources pour un appareil discret… mais tenace.
Photo © Anthony Pecchi