Pour faire face aux Shahed, Thales Belgium accélère la production de sa roquette antidrones FZ123
Sur un front saturé par les Shahed et autres munitions rôdeuses, Kiev mise sur une solution simple à produire et rapide à déployer : la roquette de 70 mm dotée d’une tête à éclatement. Développée par Thales Belgium, la FZ123 a désormais fait son entrée en service en Ukraine. Son principe est direct : à l’instant programmé, une charge explose et projette des milliers de billes d’acier, formant un nuage létal qui « découpe » la cible sur sa trajectoire. La logique n’est pas de viser le coup au but, mais d’augmenter la probabilité d’effet sur des drones petits, véloces et parfois en essaim.
Un nuage d’acier programmé pour les drones
Techniquement, la FZ123 embarque environ un demi-kilo d’explosif et près de 6500 projectiles. Le volume d’effet atteint environ 25 m de rayon. La portée utile tourne autour de 3 km, avec un plafond d’environ 2,5 km : exactement la tranche d’altitude où opèrent les drones employés contre dépôts, postes de commandement et infrastructures énergétiques. Le guidage laser des versions FZ275 LGR impose d’illuminer la cible jusqu’à l’approche, où une fusée de proximité – désormais privilégiée à l’impact – déclenche l’airburst1. Si la « tache » laser est perdue, la roquette poursuit brièvement vers le dernier point connu avant de voler en balistique : un garde-fou utile par météo dégradée.
L’intérêt majeur est économique et industriel. Plus chère qu’un petit intercepteur FPV, la roquette reste nettement en-deçà d’un missile sol-air tout en s’appuyant sur des chaînes de production maîtrisées. Même équipée d’un kit de guidage, on parle d’un ordre de grandeur équivalant à une fraction du prix d’un missile conventionnel, quand des références d’entrée de gamme dépassent largement la barre des cent mille dollars. Dans une économie de guerre, cet arbitrage compte : réserver les missiles aux menaces de grande valeur et traiter le flux quotidien de drones avec des effecteurs « assez bons », disponibles et produits en volume.
Côté intégration, la munition se tire depuis des lanceurs OTAN standard. L’Ukraine l’emploie déjà depuis des systèmes terrestres type VAMPIRE montés sur véhicules, ainsi que depuis des Mi-8 reconfigurés pour emporter des paniers de 70 mm. En mission de protection de sites sensibles ou d’escorte de convois, une salve bien calculée dresse un véritable « mur d’acier » sur l’axe d’approche. La FZ123 ne remplace ni le canon antiaérien ni les missiles ; elle comble le bas de la bulle multicouche, entre la mitraille et le sol-air, en complément des moyens de guerre électronique et de détection.
Thales Belgium accélère la production
L’usine de Herstal, en Belgique, accélère selon Business Insider. Thales vise environ 3500 roquettes guidées livrables d’ici fin 2025, puis un palier à 10 000 par an en 2026. Les versions non guidées compatibles avec la FZ123 sortent déjà à un rythme d’environ 30 000 unités par an, avec la possibilité de doubler en passant en double équipe, sous réserve d’un effort symétrique des fournisseurs. L’industriel étudie par ailleurs l’assemblage-réparation au plus près du théâtre pour réduire les délais.
Au-delà de l’Ukraine, l’intérêt européen grimpe, à la faveur d’incursions de drones qui ont mobilisé des moyens aériens disproportionnés. Dans ce contexte, la roquette FZ123 arrive au bon moment : une brique « très courte portée » modulable, industrialisable, et soutenable budgétairement – exactement ce que requiert une guerre où la quantité, la réactivité et l’économie de feu priment autant que la sophistication.
Photo © Getty Images
- Une explosion aérienne (airburst) est la détonation d’un explosif dans l’air plutôt qu’au contact du sol ou de la cible. Elle répartit l’énergie (et les éclats) plus uniformément sur une zone plus large, mais avec une énergie maximale plus faible au point zéro. ↩︎