Le système d’arme RAPIDFire entre dans une nouvelle phase. D’abord conçu pour la Marine nationale, KNDS France et Thales ont annoncé lors du salon du Bourget avoir adapté le RAPIDFire aux besoins terrestres et aériens. Le contexte sécuritaire a changé : les menaces venues du ciel se sont diversifiées et intensifiées. Les drones, munitions rôdeuses et missiles légers posent désormais un risque constant pour les bases, les convois et les centres logistiques.
Grâce à sa version terrestre, le RAPIDFire devient un outil de protection courte portée, mobile et efficace. Il permet de réagir rapidement face aux attaques de basse altitude. Son architecture modulaire lui offre une intégration simple dans des chaînes de commandement déjà en place. Sa mission reste claire : détecter, identifier et neutraliser les menaces légères avant qu’elles ne frappent.
Une évolution logique depuis la version navale
Le développement du RAPIDFire Terre ne date pas d’hier. KNDS France et Thales ont commencé à collaborer au début des années 2010. En 2020, la Direction générale de l’armement (DGA) a commandé quatorze exemplaires pour la Marine nationale. Ces systèmes devaient équiper les Bâtiments Ravitailleurs de Forces (BRF) et les futurs patrouilleurs hauturiers. Le premier BRF, le Jacques Chevallier, embarque déjà deux tourelles.
Dès le départ, les industriels ont envisagé une adaptation terrestre. La DGA avait d’ailleurs prévu cette possibilité dans le contrat initial. Ils ont donc conçu le système avec une architecture modulaire, suffisamment souple pour répondre à des usages différents.
Deux configurations pour répondre à des besoins variés
La version terrestre du RAPIDFire est aujourd’hui proposée sous deux formes. La première est semi-mobile. Les opérateurs l’installent sur une plateforme de six mètres posée au sol, près des infrastructures à protéger. Cette configuration convient parfaitement à la défense de sites fixes : bases aériennes, dépôts de munitions ou centres de commandement.
La deuxième version est mobile. Elle repose sur un porteur 8×8 ou une remorque. Les forces peuvent donc l’utiliser en déplacement, sur des théâtres d’opérations où la mobilité constitue un atout tactique. Dans les deux cas, le système est totalement autonome. Il intègre son propre générateur, sa climatisation, ses capteurs, son optronique et sa conduite de tir. Un simple lien fibre optique suffit à l’intégrer dans un réseau de commandement et de contrôle (C2).
Une alternative crédible aux missiles
Les armées ne peuvent plus compter uniquement sur les missiles pour assurer la défense courte portée. Ces munitions coûtent cher, offrent une autonomie de tir limitée et ne sont pas toujours adaptées aux menaces légères ou multiples. Le RAPIDFire propose une alternative efficace.
Son canon CT40 de 40 mm utilise des munitions télescopées. Il peut engager des cibles à une portée maximale de 4 000 mètres. Sa cadence de tir élevée permet d’enchaîner les interceptions sans délai. La tourelle emporte jusqu’à 140 obus prêts à l’emploi, ce qui assure une capacité de réaction prolongée sans rechargement immédiat.
De plus, le système calcule en temps réel la trajectoire des projectiles. Il ajuste automatiquement chaque tir en fonction des mouvements de la cible. Cette précision réduit le nombre de munitions nécessaires pour une interception réussie. Le coût par neutralisation devient donc plus maîtrisable.
Une munition nouvelle génération en approche
Le RAPIDFire bénéficiera bientôt d’une munition spécialement conçue pour la lutte anti-drones. La munition A3B (Anti-Aerial AirBurst) est en cours de développement. La DGA prévoit une qualification opérationnelle en 2027. Cette munition programmable libère en vol une charge de sous-projectiles en tungstène. Elle peut créer un cône létal devant la cible, idéal contre les drones légers et rapides.
L’intégration de cette munition renforcera l’efficacité globale du système. Elle permettra notamment d’augmenter le taux d’interception face à des menaces à faible signature radar ou thermique. L’industrie mise beaucoup sur cette capacité pour répondre aux attaques par essaims ou aux frappes coordonnées.

Une première commande pour l’armée de l’Air et de l’Espace
La première armée à recevoir le RAPIDFire terrestre ne sera pas l’armée de Terre, mais l’armée de l’Air et de l’Espace. Celle-ci recevra deux systèmes pour essais opérationnels. Son objectif est clair : protéger les bases aériennes françaises, en métropole comme en opération extérieure (OPEX).
Les événements récents confirment la pertinence de ce choix. Il y a quelques semaines, plusieurs drones FPV ukrainiens – opération Spider Web – ont frappé des bombardiers russes stationnés loin du front. Un système tel que le RAPIDFire aurait pu intercepter ces menaces à temps. La vulnérabilité des plateformes aériennes impose une réaction rapide et automatisée. Le RAPIDFire répond précisément à ce besoin.
Une intégration différée pour l’armée de Terre
L’armée de Terre n’a pas encore intégré le RAPIDFire dans ses programmes à court terme. Elle recevra d’abord d’autres équipements. Trente véhicules Serval DSA (Défense Sol-Air), équipés de missiles MISTRAL, sont attendus dans les prochaines années. Vingt-quatre Serval LAD (Lutte Anti-Drone), armés d’un canon de 30 mm, compléteront ce dispositif.
La DGA prévoit toutefois une intégration du RAPIDFire à l’horizon 2032. Il viendrait alors renforcer la défense courte portée en apportant plus d’endurance, une meilleure autonomie de tir et une plus grande polyvalence.
Un enjeu industriel stratégique
Le RAPIDFire soulève aussi des enjeux industriels. KNDS France et Thales espèrent faire du calibre 40 mm télescopé un standard OTAN pour les systèmes terrestres. Ce n’est pas encore le cas. Seule la marine l’utilise à grande échelle. Une adoption terrestre plus large permettrait de rationaliser la production, de mutualiser les stocks et de favoriser l’exportation. En ce sens, la commande de 25 000 munitions CT40 officialisée la semaine dernière par la DGA constitue un signal important. Ces munitions équiperont les véhicules Jaguar, mais aussi les RAPIDFire terrestres et navals.
Le RAPIDFire terrestre marque une étape dans la transformation de la défense courte portée. Il apporte une solution concrète face à des menaces plus rapides, plus nombreuses et plus difficiles à détecter. Il se veut complémentaire des missiles, tout en réduisant les coûts d’interception. Son autonomie, sa précision et sa modularité en font un outil polyvalent, capable de s’adapter aux besoins des forces aériennes comme terrestres.
Son adoption par l’armée de l’Air et de l’Espace pourrait ouvrir la voie à une généralisation interarmées. À terme, le RAPIDFire pourrait devenir un élément clé de l’architecture sol-air française, en particulier dans un contexte de haute intensité où l’endurance logistique et la réactivité tactique comptent autant que la puissance de feu.