Rafale : l’Inde exige plus de garanties de la part de Dassault Aviation pour le programme MRFA
Le programme d’acquisition d’avions multirôles (MRFA) entre dans une phase décisive et plus exigeante. Selon Times Now, le ministère indien de la Défense a renvoyé pour révision le dossier de cadrage de l’Indian Air Force (IAF), jugé incomplet, en mettant la barre haut sur l’indigénisation : produire la plupart des appareils en Inde, avec environ 75 % de la valeur (pièces, sous-systèmes, ingénierie et maintenance) réalisée sur le sol indien. Le Rafale reste en bonne position, mais rien n’est joué. Le partage du code source demeure le nerf de la guerre, et l’on voit mal Dassault céder sur ce point stratégique.
Offre industrielle de Dassault Aviation
Selon la proposition de l’IAF, New Delhi envisagerait de recentrer le MRFA vers un accord de gouvernement à gouvernement (G2G) avec Paris pour des Rafale au standard F4, avec un feu vert politique attendu dans les prochaines semaines et une signature visée en 2026 pour une première tranche d’environ 90 appareils. L’objectif : combler rapidement le déficit capacitaire de l’IAF, tombée à environ 31 escadrons (potentiellement 29 après retrait des derniers MiG-21) face aux pressions simultanées de la Chine et du Pakistan.
Côté offre, Dassault a affûté sa copie. Le constructeur propose jusqu’à 60 % de fabrication et d’intégration en Inde sur les 114 appareils, autour d’une ligne d’assemblage final à Nagpur, sur le modèle C-295 : transfert de compétences, montée en cadence, et maillage d’une supply chain locale. Le calendrier se veut offensif : premier Rafale « Make in India » trois ans après signature, dernière livraison au bout de six ans, avec une cadence pouvant atteindre 24 avions par an dès la deuxième année. Parallèlement, un centre MRO (maintenance, réparation et opérations) à Hyderabad est mis sur la table pour sécuriser la disponibilité flotte.
Sur le plan capacitaire, la première phase viserait le F4.1 (SPECTRA renforcé, radar AESA RBE2-AA, Meteor), puis un basculement vers F5 après 2030, présenté comme évolutif (combat collaboratif homme-machine, améliorations propulsives Safran). L’idée : offrir un pont opérationnel en attendant le Tejas Mk2 et l’AMCA, tout en capitalisant sur les 36 Rafale déjà en service, appréciés pour leur disponibilité et leurs performances en exercice.
Le compromis à trouver
Reste le nerf de la guerre : la souveraineté technique… et le coût. New Delhi veut un haut niveau d’accès aux codes sources et la liberté d’intégrer ses munitions (Astra, Rudram). Dassault prévient qu’un remplacement du radar Thales par un AESA indien (Uttam) ferait glisser le calendrier d’environ deux ans, tout en mettant en avant l’évolution du RBE2 (portée, résistance au brouillage, suivi assisté par IA). Côté finances, à 80–100 millions d’euros l’unité, la facture pour 90 à 114 appareils dépasse les 9 à 11 milliards d’euros, dans un contexte budgétaire contraint (priorités S-400, sous-marins). Les partisans du G2G défendent des gains de 15–20 % et des offsets élevés ; la production locale à Nagpur réduirait le coût de possession sur la durée.
Face aux options américaines (F-21/F-18, F-35 à plus long terme) et au Su-57 russe, la continuité logistique avec les 26 Rafale Marine attendus à partir de 2028 et la promesse d’un « Make in India » massif donnent un net avantage au dossier français. Le verdict dépend désormais d’un arbitrage politique : accélérer un partenariat manufacturier stratégique… ou renvoyer, encore, la décision sur la piste d’attente.
Photo © Dylan Agbagni