Le 9 avril 2025, outre les aspects liés au SCAF, Eric Trappier s’est présenté devant la Commission de la Défense pour mettre en lumière la trajectoire exemplaire du Rafale. Face aux députés, il a insisté sur l’excellence opérationnelle et industrielle de cet avion, détaillé ses évolutions à venir et rappelé qu’il demeure aujourd’hui un pilier de la souveraineté militaire française. Face aux campagnes de désinformation pro-chinoises et pro-pakistanaises de ces dernières semaines, il est d’autant plus important de souligner cette excellence.
Encadrer la coopération par la compétence
Dès l’ouverture de son intervention, Eric Trappier a insisté sur deux conditions pour coopérer : contrôle étatique strict et respect des compétences. Selon lui, « chez Dassault, nous sommes tout à fait prêts à coopérer avec d’autres pays sous le contrôle des États, à condition que des règles soient appliquées ». Il a ajouté que « l’alliance ne doit pas affaiblir celui qui est compétent face à celui qui ne l’est pas » et que, « au contraire, la direction des projets doit relever de ceux qui détiennent ces compétences ».
Pour lui, un appel d’offres se gagne en réunissant des équipes spécialisées capables de tenir leurs engagements. Il a rappelé que « nous ne faisons pas de produits militaires pour faire tourner nos usines. Nous faisons des avions de combat pour que nos forces aient la supériorité sur le champ de bataille ». Ces propos soulignent qu’il ne suffit pas de multiplier les partenariats : il faut rester maître des technologies clés, ou la performance opérationnelle serait compromise.
Origines stratégiques du Rafale
Contexte de la Guerre froide
Le Rafale puise ses origines dans la fin de la Guerre froide. À cette époque, la France devait maintenir une capacité de dissuasion nucléaire tout en limitant les coûts. Eric Trappier a souligné que « Dassault s’est naturellement construit dans le domaine de la défense » et que cette expérience a permis de produire un avion « une réussite opérationnelle au sein des forces armées françaises, à la fois l’armée de l’Air et de l’Espace, mais aussi la Marine nationale ».
Cet appareil répondait aux besoins de supériorité aérienne et nucléaire dans un contexte budgétaire contraint. Il devait pouvoir opérer sur des théâtres variés sans exploser le budget de l’État.
Volonté politique et contraintes budgétaires
Eric Trappier a ensuite rappelé que certains doutaient de la capacité de la France à financer un tel programme. Il a répliqué que ceux qui estiment « qu’il n’est pas possible de faire en France pour des raisons budgétaires » oublient « les efforts produits dans les années 1960 pour construire la dissuasion nucléaire ». Il a conclu que « dès lors qu’il s’agit d’enjeux stratégiques, j’estime que la volonté politique doit l’emporter sur de stricts considérants budgétaires, même si ces derniers constituent naturellement une donnée d’entrée ».
Ainsi, dès le départ, le Rafale s’est inscrit dans une logique où la souveraineté prime sur l’austérité.
Polyvalence du Rafale face aux appareils spécialisés américains
L’un des principaux atouts du Rafale est sa polyvalence. Eric Trappier a expliqué que « le Rafale est admiré aujourd’hui pour sa réussite, mais aussi parce que cet avion sait pratiquement tout faire, quand d’autres – notamment les Américains – produisent des avions spécialisés ». Il a pris l’exemple du F-22, chargé de la défense aérienne : « c’est un très gros avion qui coûte jusqu’à six fois plus cher qu’un Rafale, est produit en très petite quantité et n’est pas exporté ».
Quant au F-35, conçu pour être un appareil polyvalent air-sol à moindre coût, il « coûte finalement plus cher que le Rafale », selon Eric Trappier. Il n’accomplit en réalité qu’une partie des missions que le Rafale peut assurer. De plus, le F-35 a été financé par certains pays européens, « dont certains sont engagés dans l’Eurofighter », ce que le dirigeant de Dassault juge paradoxal. Pour lui, mener une mission de supériorité aérienne puis passer à la frappe au sol sans changer d’appareil reste un avantage tactique et financier majeur.

Standards évolutifs : F4 et F5
Déploiement du standard F4
Le Rafale ne cesse d’évoluer pour intégrer de nouvelles capacités. Eric Trappier a souligné que « la réussite du Rafale va se poursuivre ». Il a annoncé que « nous en sommes aujourd’hui au standard F4, qui est déjà en partie opérationnel dans l’armée de l’Air, dans la Marine nationale ». Ce palier enrichit la plate-forme par l’ajout du missile Meteor pour la supériorité aérienne, l’amélioration de la suite de guerre électronique SPECTRA et la modernisation de l’ASMP-A, devenu ASN4G.
Selon Eric Trappier, ces évolutions ont déjà amélioré l’interopérabilité du Rafale avec les drones et les systèmes de commandement. Elles ont renforcé ses capacités de frappe. Le standard F4 marque une étape importante avant d’envisager le palier suivant.
Perspectives du standard F5 (2030-2035)
D’ici 2030-2035, Dassault, Thales et Safran travailleront sur le standard F5. Celui-ci devra accueillir le futur missile ASN4G pour moderniser la composante aéroportée de la dissuasion. Eric Trappier a expliqué que cette échéance « coïncide avec la modernisation de la dissuasion ». Il a insisté sur le fait que « d’un point de vue opérationnel, il est inenvisageable de se passer d’une amélioration de standard sur le Rafale ». L’agenda du F5 se cale sur celui de la dissuasion nucléaire française, garantissant la montée en gamme nécessaire pour rester crédible face aux menaces futures.
Vers un drone de combat intégré
Pour conserver un avantage tactique face à des défenses de plus en plus sophistiquées, Dassault travaille à l’intégration d’un drone de combat, le nEUROn. Le PDG de Dassault Aviation a précisé que « depuis quelques mois, le ministère évoque la possibilité de l’accompagner d’un drone de combat pour améliorer ses capacités de rentrer dans les défenses ennemies, qui se renforcent partout dans le monde ».
Ce concept, appelé Manned-Unmanned Teaming (MUM-T), prévoit que le Rafale pilote à distance un ou plusieurs drones. Ces drones pourraient déployer des leurres, brouiller les radars ou emmener des munitions de précision. L’idée est de placer le Rafale à l’écart de la « zone rouge », tout en envoyant le drone neutraliser les menaces premières. Dans un environnement où les batteries sol-air couvrent de plus en plus de territoire, ce duo avion-drone vise à garantir la supériorité tactique.
L’export : levier industriel et économique
Eric Trappier a souligné que l’exportation du Rafale a été déterminante pour la filière. Depuis 2015, le Rafale s’est vendu à l’Égypte (24 avions), au Qatar (36 avions) ou encore à l’Inde (62 avions au total). Ces contrats ont dynamisé un réseau de sous-traitants implantés en France.
Selon le dirigeant, « le Rafale ne concerne pas uniquement Dassault ou ses grands partenaires Thales et Safran », mais aussi « 500 entreprises qui œuvrent pour sa fabrication », toutes localisées en métropole. Chacune apporte une expertise : aérostructure, électronique, maintenance, etc. Lorsque l’État français a reporté certaines livraisons, ces commandes étrangères ont permis de maintenir la charge de travail. Eric Trappier a rappelé que « l’export génère énormément de revenus pour le budget français et a permis aux industriels de disposer d’une charge de travail quand la France a décalé ses propres livraisons ».
Sans ces ventes, plusieurs PME auraient dû réduire leurs effectifs. Les succès à l’international ont non seulement protégé des emplois, mais aussi encouragé l’innovation (composites, impression 3D, matériaux avancés).
Accélérer la production
Depuis la crise du Covid-19, la cadence a fortement augmenté. Eric Trappier a expliqué que « nous sommes passés d’une cadence inférieure à un Rafale par mois pendant le Covid à une cadence de livraison de deux ». Il a ajouté que « la cadence de fabrication amont s’établit déjà à trois ». Dassault s’est engagé à atteindre quatre Rafale par mois, puis étudie la possibilité d’en produire cinq.
Cette progression s’explique par l’optimisation des processus industriels, la digitalisation des chaînes d’assemblage et des investissements dans la supply chain. L’objectif est de pouvoir répondre rapidement à une demande accrue, qu’elle émane d’un nouvel acquéreur étranger ou d’une urgence opérationnelle française.
Pour répondre aux critiques sur le F-35, Eric Trappier a martelé : « Nous livrons tous nos clients avant que les F-35 ne soient livrés aux leurs. » Il estime que cette avance démontre la réactivité de la filière française. À ses yeux, choisir un avion européen garantit non seulement la proximité et le contrôle du calendrier, mais aussi le soutien de l’économie nationale.
Connectivité et guerre intégrée
Au-delà de la mécanique et de l’avionique, Dassault, Thales et Safran travaillent à transformer le Rafale en plateforme interconnectée. Eric Trappier a expliqué que « le moyen terme concerne donc la poursuite de l’amélioration du Rafale dans les dix ans à venir, en accentuant les capacités de connectivité et le travail en réseau du Rafale ».
L’idée est que le Rafale devienne un nœud de la chaîne tactique, capable de partager en temps réel des images haute définition, des données de reconnaissance et des ordres de tir avec d’autres aéronefs, des unités au sol, des frégates ou des satellites. Cette databridge embarquée réduit le temps de décision et améliore l’emploi des armes.
Par ailleurs, l’appareil intègre des systèmes de cyberdéfense et de guerre électronique de nouvelle génération. Dans un environnement où la 5G, voire la 6G, devient opérationnelle, maîtriser les flux de données est aussi crucial que la furtivité ou la puissance de feu du Rafale.

La France : garant de la trajectoire du Rafale
Affirmer une autonomie stratégique
Pour Eric Trappier, le Rafale illustre la volonté politique de la France d’affirmer son autonomie stratégique en Europe. Il rappelle que la décision de soutenir un avion national remonte à la révision générale des programmes (RGP) de 1992 et se poursuit avec la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025.
Grâce à ce soutien constant, un lien direct s’est établi entre l’Élysée, le ministère des Armées et l’industrie. Ce partenariat étroit garantit que les choix technologiques et industriels s’inscrivent dans une vision globale de souveraineté.
Le Rafale, symbole européen
Au-delà des frontières françaises, le Rafale prouve qu’un avion 100 % européen peut s’exporter, se moderniser et rester à la pointe de la technologie. Il envoie un message fort aux alliés de l’OTAN : la France est non seulement un acheteur, mais aussi un fournisseur crédible, capable de tenir ses engagements.
En rappelant que « la volonté politique doit l’emporter » sur les seules considérations budgétaires, Trappier a mis en garde contre toute tentation de dépendre exclusivement d’une production hors d’Europe. Pour lui, un choix européen préserve l’indépendance opérationnelle des forces armées.
S’inscrire dans le futur du combat aérien
Enfin, le Rafale doit rester adaptable face à un monde où les menaces évoluent sans cesse : rivalités géopolitiques, cyberattaques, armements hypersoniques et défenses anti-aériennes sophistiquées. L’avion français devra intégrer de nouveaux capteurs, de nouvelles liaisons de données et de nouveaux armements pour anticiper ces défis.
Ainsi se poursuit l’histoire du Rafale : un appareil né dans la Guerre froide, sans cesse modernisé pour préparer les conflits de demain. Pour la France, il demeure plus qu’un avion : c’est un symbole d’indépendance nationale et européenne. Il marque la volonté politique de défendre et de projeter une capacité de combat autonome et crédible.
Photo © Dassault Aviation – Anthony Pecchi