Fondé en 1904, le spécialiste français de tenues militaires Paul Boyé passe sous pavillon norvégien
Le norvégien NFM Group a bouclé, le 7 octobre 2025, l’acquisition de 100 % de Paul Boyé. Conduite avec les autorités françaises, l’opération installe durablement le spécialiste scandinave des « systèmes du soldat » au cœur de la filière hexagonale des équipements de protection, tout en étoffant son maillage industriel européen. Selon un communiqué de presse, elle confie la présidence de Paul Boyé Technologies à Mads E. Larsen, jusqu’ici directeur général de NFM France et directeur de la stratégie du groupe.
Des tranchées de 14-18 aux masques FFP2
Derrière ce mouvement capitalistique, il y a une histoire industrielle singulière. L’atelier de tailleur de Pierre Boyé est mobilisé dès 1914 pour confectionner les fameuses capotes bleu horizon des poilus. Cette bascule vers l’effort de guerre ouvre plus d’un siècle d’activité au service des administrations et des forces armées. Quatre générations consolideront l’entreprise à travers crises et reconversions, au point d’en faire un fournisseur clef des ministères des Armées, de l’Intérieur et de la Santé, en France comme à l’export. L’isard1 – robuste, agile, endurant – a été choisi comme emblème : référence aux Pyrénées, berceau familial, et condensé des qualités recherchées dans les équipements.
Aujourd’hui, le savoir-faire couvre un spectre large : protections NRBC2, balistique, tenues d’intervention et d’extinction, uniformes techniques, systèmes de portage, vêtements contre le feu, les intempéries et les particules fines. L’ADN reste le même : optimiser l’arbitrage entre niveau de protection, mobilité de l’intervenant et ergonomie. La R&D interne, appuyée par des partenariats académiques et des programmes français et européens, multiplie brevets et validations en laboratoires agréés. Pendant la pandémie, l’entreprise a relancé en urgence des lignes de masques ; en 2025, elle sécurise un contrat pluriannuel avec Santé publique France pour produire 90 millions de masques chirurgicaux et FFP2 par an, renouvelable.
De la police aux pompiers
Ce rebond intervient après une année chahutée. En 2024, Paul Boyé a perdu le marché d’habillement du ministère de l’Intérieur (420 millions d’euros sur six ans) au profit d’un groupement conduit par Marck & Balsan. Dans le même temps, l’entreprise a remporté des marchés d’uniformes pour l’armée, des tenues antiparticules pour les sapeurs-pompiers et un important lot de masques hospitaliers. La compétition a viré à la polémique lorsque Marck & Balsan, qui venait de laisser filer le marché des uniformes de l’armée (26,2 millions d’euros sur quatre ans), a annoncé la fermeture d’une usine à Calais et dénoncé une production « délocalisée ». Paul Boyé a répliqué en rappelant que son concurrent fabrique aussi hors de France et en soulignant la nécessité d’une base de coûts compétitive pour tenir les appels d’offres, tout en maintenant en métropole les briques critiques (R&D, filtres NRBC, maintien en condition opérationnelle).
Côté ateliers, le centre névralgique reste en Haute-Garonne : siège, R&D, logistique et principale unité de production à Labarthe-sur-Lèze ; site de Bédarieux (Hérault) pour les filtres NRBC de haute technologie ; capacités de confection à Madagascar. La démarche circulaire s’accélère avec Recyclocal, consortium textile qui défibre des stocks civils et militaires afin de fabriquer de nouvelles pièces au Vernet. Objectif : boucler la boucle, sécuriser la ressource et réduire l’empreinte.
Pour NFM, déjà renforcé par l’intégration de l’allemand Hexonia en 2022, l’arrivée de Paul Boyé consolide un réseau de sites en Norvège, France, Allemagne, Pologne, Bulgarie, États-Unis et Madagascar, et une offre de bout en bout : NRBC, balistique, uniformes, EPI incendie, logistique, MCO et recyclage. Au-delà de la taille critique, l’enjeu est de livrer plus vite et plus près des utilisateurs, tout en durcissant la résilience des chaînes en période de crise. Une équation familière à Paul Boyé depuis… 1914.