« Histoire du 1er RPIMa » de Rémi Bernier : aux racines de l’audace et de l’excellence SAS

Histoire du 1er RPIMa (Mareuil Éditions) de Rémi Bernier, se lit comme une invitation discrète à franchir les murs de la Citadelle de Bayonne. Dès les premières pages, l’auteur esquisse les contours d’une « culture SAS » héritée de la Seconde Guerre mondiale et des parachutistes coloniaux. Il évoque cette volonté obstinée de frapper l’ennemi là où il ne s’y attend pas, de surgir à l’aube, puis de disparaître aussitôt.
Cette idée d’audace, fil rouge de l’ouvrage, confère une réelle unité aux divers épisodes racontés : fondation en 1945, missions en Afrique, plongée clandestine derrière le « rideau de fer » à Potsdam, tournant stratégique des années 1980, jusqu’aux récents engagements sahéliens. Loin de n’être qu’une succession factuelle, cette fresque restitue l’atmosphère, parfois presque tactile, qui règne dans ce bastion où s’élabore l’« esprit SAS ».
Une narration teintée d’anecdotes et de réalisme
Le lieutenant-colonel Bernier maîtrise à la fois le récit historique et l’anecdote de terrain. Le lecteur découvre, par exemple, comment les commandos du 2e régiment de chasseurs parachutistes (2e RCP), décorés de la Croix de la Libération en 1944, se voient offrir un bicorne de Napoléon par le général Calvert – un geste symbolique rattachant la France libre au prestige impérial. Plus tard, on suit un jeune sergent du 1er RPIMa (1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine), isolé dans la neige à – 15 °C, braqué par des soldats soviétiques en RDA : deux heures sous la menace d’une Kalachnikov, prélude à une survie tendue jusqu’à l’évocation, enfin, de l’opération « Déclic », mission de protection présidentielle en Côte d’Ivoire, où onze hommes dissimulés en civils entourent Félix Houphouët-Boigny. Ces séquences ne datent pas seulement l’histoire : elles lui donnent chair, oxygène et tension dramatique.
Sur le plan stylistique, l’écriture allie précision et sobriété. Il n’affuble jamais ses pages de longueurs inutiles, préférant des phrases courtes et incisives : « Le 1er RPIMa ne dispose pas de véhicules adaptés avant la guerre du Golfe ». En quelques mots, tout est dit. Les explications sur la naissance de la PATSAS (patrouille de type SAS) ou la genèse du « Milbug » (véhicule artisanal conçu à Bayonne) sont présentées sans jargon excessif, de sorte qu’un lecteur non initié saisit les enjeux techniques.
À cet égard, l’auteur se place volontiers dans la posture du passeur : éviter que la technicité n’étouffe le récit, tout en conservant la rigueur nécessaire pour qui veut comprendre pourquoi, en 1983, le régiment décroche enfin son diplôme URCA (Unité de Recherche de Corps d’Armée). Le contraste entre l’action sur le terrain et la bataille administrative, lorsqu’il s’agit d’obtenir un TED (tableau d’effectif et de dotation) « Guerre », est ainsi rendu avec une belle économie de mots.
Les enjeux contemporains et l’héritage du 1er RPIMa
Le propos n’élude pas les critiques : l’effectif est souvent en deçà des besoins, l’absence de relais à l’État-major freine l’acquisition de matériels, et la féminisation du régiment peine à dépasser 1,3 % en 2001. De même, l’arrivée des drones et la nécessité de développer la guerre électronique sont présentées non pas comme de purs gadgets, mais comme une réponse aux nouveaux défis stratégiques. Cette honnêteté intellectuelle, loin d’alourdir le texte, lui apporte au contraire une texture réaliste : on perçoit que le régiment n’est ni invincible ni intouchable, mais qu’il se reconstruit en permanence, parfois à force de volontarisme et de débrouille interne.
En fin de compte, ce livre convainc parce qu’il place l’humain au centre du tableau. Les sacrifices sont évoqués avec retenue, sans étalage mélodramatique, mais avec un respect palpable : on se souvient du sergent Stéphane Duval, tombé pour la France en 2013, comme on se souvient des longues nuits passées à l’entraînement ou des discussions passionnées autour d’un verre, à Bayonne. Le lecteur qui referme cet ouvrage garde le sentiment d’avoir approché en douceur un monde souterrain, où l’humilité coexiste avec l’exigence, et où l’innovation naît souvent d’une frustration : pas assez de motos tout-terrain pour le groupement parachutiste (GP) – on construit le « Milbug ». Pas assez de femmes au sein de l’unité – on change lentement la donne. Pas assez de moyens – on repousse les limites.
Ce mélange de ténacité, d’ingéniosité et de fidélité aux valeurs SAS fait de ce récit bien plus qu’un simple manuel historique. C’est un hommage discret, mais fidèle, à l’âme d’une unité qui n’a jamais cessé de réinventer sa mission.
« Qui ose gagne » – Devise du 1er RPIMa