La Grèce va-t-elle transférer une partie de ses Mirage 2000-5 vers l’Ukraine et acquérir de nouveaux Rafale ?
Athènes se retrouve à nouveau au centre des tractations alliées. Les États-Unis, la France et plusieurs capitales d’Europe centrale poussent la Grèce à céder une partie de ses Mirage 2000-5 via des intermédiaires, étape préalable à un transfert vers l’Ukraine. Objectif : renforcer l’aviation de Kiev sans afficher un accord direct. Côté grec, la réticence demeure : le gouvernement ne souhaite pas voir des systèmes de haute technologie engagés contre la Russie, privilégiant des contributions plus anciennes (comme les M-110 de 203 mm).
Vers un transfert en Ukraine en plusieurs étapes
Le scénario discuté, selon Ekathimerini, reposerait sur des ventes à des « pays relais » – États-Unis, France, Allemagne, mais aussi République tchèque et Estonie – qui rétrocéderaient ensuite des appareils à l’Ukraine ou compenseraient par d’autres avions. À ce stade, rien n’est acté et l’issue reste incertaine. En toile de fond, une contrainte calendaire : le soutien technique des Mirage 2000-5 doit s’arrêter en 2027.
Cette fenêtre coïncide avec la modernisation accélérée de la Hellenic Air Force (HAF) autour du Rafale. La Grèce a commandé, en janvier 2021, dix-huit Rafale F3R (douze d’occasion, six neufs) dans un contrat d’environ 2,5 milliards d’euros ; celui-ci comprend des missiles air-air METEOR et MICA, des missiles de croisière SCALP ainsi que des antinavires AM39 Exocet. Un peu plus d’un an plus tard, Athènes a notifié six Rafale F3R neufs supplémentaires (environ 1,09 milliard d’euros). Les six premiers appareils d’occasion, prélevés sur l’Armée de l’Air et de l’Espace, ont rejoint, en janvier 2022, l’escadron 332 « Hawk » à Tanagra.
« Nous avons su répondre en un temps record », soulignait alors Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, mettant en avant l’effet de souveraineté recherché par Athènes. En septembre 2023, l’escadron 332 disposait des 18 premiers Rafale et atteignait la FOC (Full Operational Capability). Un an plus tard, la HAF commençait à recevoir le second lot : le dernier F3R a été réceptionné à Mérignac en décembre et a rejoint Tanagra le 9 janvier. En quatre ans, la Grèce a ainsi constitué un escadron Rafale complet ; un rythme rarement observé en Europe.
6 à 12 Rafale supplémentaires en contrepartie des 2000-5 ?
Sur le plan opérationnel, le couple Rafale F3R + METEOR redessine l’équilibre aérien en mer Égée et en Méditerranée orientale : portée BVR accrue, fusion de données avancée, panachage de charges air-air / air-surface, capacités antinavires, frappe dans la profondeur via SCALP. La HAF dispose désormais d’une palette crédible de supériorité aérienne et d’interdiction. Le message est clair côté grec : l’appareil le plus moderne de la flotte est opérationnel, et il « verrouille » une partie de l’espace contesté autour de l’espace aérien géré par Athènes.
Reste la suite. Athènes a un temps étudié l’achat de 6 à 12 Rafale additionnels, mais le calendrier pourrait glisser avec l’arrivée prévue d’au moins vingt F-35A. Le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, a laissé entendre récemment que 24 Rafale suffisent « à ce stade », en cohérence avec l’effort F-35. Dans le même temps, la Grèce cherche à « déclasser » ses Mirage 2000-5 avant l’arrêt du soutien technique prévu en 2027 : des discussions de revente avec l’Inde ont achoppé, et les pistes balkaniques n’ont pas abouti. Athènes négocierait toutefois avec Paris l’acquisition de 6 à 12 Rafale supplémentaires à un tarif ajusté, en contrepartie de la cession d’une partie des 2000-5.
Dans ce contexte, le dossier Mirage sert de variable d’ajustement : trouver une sortie ordonnée pour une flotte en fin de soutien, préserver la posture de dissuasion nationale… tout en répondant, autant que possible, à la pression des alliés au bénéfice de l’Ukraine.
Photo © Ministère grec de la Défense nationale