Le général Philippe Susnjara, directeur de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), observe une évolution préoccupante : la convergence de luttes idéologiques, souvent symboliques, mais parfois instrumentalisées. “Des mouvances antimilitaristes qui mènent des actions de type tags, tractage… La question que nous, on se pose, c’est : est-ce que c’est instrumentalisé, consciemment ou non ?”
La DRSD est l’un des remparts les plus sollicités de la souveraineté française. Premier service enquêteur du pays, elle traite une enquête toutes les 18 secondes. “Nous sommes le service d’enquêteurs qui faisons le plus d’enquêtes en France”. Un volume massif, alimenté par les habilitations défense, les contrôles d’accès, et la montée en vigilance des industriels.
Depuis la reprise post-Covid, les salons de défense sont devenus des cibles stratégiques. Faux exposants, journalistes fictifs, intrusions discrètes : “Il y a de plus en plus de gens qui essayent de récupérer de l’info de manière détournée.” À Euronaval, la DRSD a relevé un intérêt marqué pour la guerre des mines et les grands fonds marins. “Les gens pensent à ces nouveaux domaines. On sent bien qu’il y a une volonté de capter de l’information.”
Sur le terrain, la DRSD agit aussi au plus près des forces. Lors d’un déploiement du groupe aéronaval (GAN), le service a testé un nouveau dispositif : un officier conseiller de la contre-ingérence intégré à bord, des agents insérés dans les équipes préparant les escales. “C’est là où il y a une vraie menace, parce que c’est là où il y a des interactions possibles.”
Autre front : la captation du savoir-faire humain. L’affaire des pilotes français partis former des aviateurs en Chine a mis en lumière une faille. “On était assez démunis. En 2022, lors d’une réunion avec nos partenaires de l’OTAN, personne n’avait d’outils réglementaires ou législatifs pour répondre efficacement à ce sujet-là.
Ce vide est désormais comblé. L’article 42 de la LPM permet au ministère des Armées de s’opposer à ce qu’un ancien militaire ou agent civil exerce une activité au profit d’une entité étrangère dans un domaine stratégique. Préavis, déclaration obligatoire, et liste des secteurs sensibles sont désormais en vigueur.
Face à cette complexité croissante, la DRSD modernise ses moyens. Un nouvel outil de big data est en cours de déploiement. Il permettra de centraliser les incidents, croiser les données issues des enquêtes et des chaînes de sécurité, et mieux détecter les signaux faibles. “L’idée, c’est de pouvoir automatiser un max de choses pour que les agents se focalisent sur la vraie plus-value qu’ils peuvent apporter sur l’analyse.”
Renseigner pour protéger.