C’est une première mondiale que revendique l’Ukraine : deux chasseurs russes Su-30 Flanker ont été abattus le 2 mai au large de Novorossiïsk, non pas par des missiles sol-air ou par d’autres avions, mais par des drones de surface téléopérés, armés de missiles air-air AIM-9 Sidewinder. L’opération, inédite par sa nature, a été confirmée par le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, dans une interview au média spécialisé The War Zone. Les drones utilisés — des Magura-7 — sont des versions modifiées de drones navals déjà employés par Kiev pour cibler des navires russes.
Une adaptation technologique révélatrice des nouveaux équilibres
Jusqu’ici, les missiles AIM-9 étaient exclusivement tirés depuis des avions. L’armée ukrainienne a détourné leur usage en les intégrant sur des drones marins sans tourelle articulée. Cela impose au drone de pointer directement le missile vers la cible pour permettre au guidage infrarouge de fonctionner. Une contrainte importante sur le plan tactique, mais qui n’a pas empêché le succès de la frappe.
Selon Boudanov, trois Magura-7 ont été mobilisés. Deux d’entre eux auraient ouvert le feu. Le premier chasseur russe aurait été touché en vol avant que son équipage ne soit récupéré par un navire civil. Le second aurait été abattu sans survivants. Le coût estimé d’un drone Magura s’élève à 250 000 dollars, contre environ 50 millions pour un Su-30, soulignant le déséquilibre économique croissant entre plateformes légères et équipements lourds.
Depuis 2022, l’Ukraine mise sur une logique d’innovation de terrain, en adaptant des armements existants — parfois soviétiques, parfois occidentaux — à des systèmes autonomes ou semi-autonomes. Le résultat : des frappes à forte valeur militaire menées avec des moyens limités. Cette approche confirme une tendance durable à la guerre asymétrique, qui redéfinit les critères d’efficacité sur le champ de bataille.
La doctrine aérienne russe mise en difficulté
Du côté russe, plusieurs canaux Telegram militaires ont confirmé la perte d’au moins un Su-30, et certains commentateurs s’inquiètent d’une perte durable de contrôle en mer Noire. Depuis la destruction du croiseur Moskva, la flotte russe reste en retrait, vulnérable aux attaques répétées de drones. Malgré les tentatives d’adaptation, comme l’usage de drones FPV pour neutraliser les engins ukrainiens, la défense côtière reste largement dépassée par ces nouvelles menaces.
Cette attaque pose aussi la question de la généralisation future des drones navals armés. En combinant des plateformes à bas coût avec des missiles existants, l’Ukraine crée un précédent que d’autres puissances pourraient suivre. Les capacités multi-missions du Magura — attaque navale, surveillance, lancement de drones FPV, et désormais défense anti-aérienne — en font un outil tactique adaptable, susceptible d’intéresser les marines de pays confrontés à des menaces asymétriques.
Au-delà de l’aspect opérationnel, c’est toute une doctrine qui peut potentiellement se retrouver remise en cause. Les Su-30 sont conçus pour opérer dans des environnements contestés à haute altitude. Leur vulnérabilité face à une menace émergente, évoluant sous la ligne radar, interroge l’avenir des systèmes d’armes conventionnels face à la montée en puissance de solutions autonomes, modulables et largement plus accessibles financièrement.