À l'occasion de la publication de sa mission d’information flash sur la défense sol-air en France et en Europe, dont il est co-rapporteur aux côtés de Natalia Pouzyreff, le député les Républicains (Seine-et-Marne) Jean-Louis Thiériot revient sur les enjeux opérationnels et industriels de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-30. Il préconise la nomination d'un secrétaire d’État à l'économie de guerre, incite le Ministère des Armées à travailler avec Nexter sur son démonstrateur EMBT (Enhanced Main Battle Tank) et encourage au développement de nouveaux partenariats européens au dépens de la “mortifère” relation franco-allemande.
Vous venez d'effectuer plusieurs voyages en Europe pour alimenter votre mission d'information flash concernant la défense sol-air en France et en Europe. Quelles sont vos conclusions ?
La défense sol-air française nécessite d’être renforcée dans toutes les couches et tous les segments. C’est un enjeu majeur que nous avions déjà identifié en 2022 à l’occasion de la mission parlementaire sur la haute intensité.
Nous devons renouer avec l’artillerie sol-air en basse et très basse couche pour faire face aux menaces aériennes classiques et à celles des drones, de plus en plus prégnantes. Des solutions techniques existent ! Je pense notamment à ce que font Nexter et Thales, avec le canon RAPIDFire de 40mm vendu à la Marine Nationale, qui pourrait équiper des véhicules terrestres, sous réserve de développer une munition airburst adéquate.
Par ailleurs, nous ne devons jamais oublier le rapport entre le coût de l’épée et celui du bouclier. Aujourd’hui, tirer un Mistral à 150 000€ pour abattre un drone à 1 000€ pose un problème. C’est d’autant plus vrai qu’en essaim, les drones génèrent un risque de saturation. De ce point de vue-là, la munition d’artillerie est la seule capable de faire face à des menaces saturantes. C’est d’ailleurs l’un des points importants du retour d’expérience (RETEX) de la guerre en Ukraine, avec notamment l’efficacité en basse couche des Marder allemands.
Enfin, en 2002 nous avions quatre régiments d’artillerie sol-air. Aujourd’hui, nous n’en avons plus qu’un : le 54e régiment d’artillerie (54e RA), dont il faut muscler considérablement l’équipement pour pouvoir dispatcher une défense sol-air basse couche dans les unités qui seraient au contact.
Selon le ministre des Armées,"la France va s'engager plus franchement sur la défense sol-air de nouvelle génération" pour la prochaine LPM. La récente commande franco-italienne de 700 missiles de la famille Aster* est un bon début. Mais selon vous, quelles sont nos principales carences sur le segment sol-air, en particulier pour faire face à la menace drones ?
La France a mis un certain temps à mesurer l’importance de la menace drones. Le premier révélateur a été la crise entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ouverte en 2021. Les événements en Ukraine ont considérablement renforcé cette menace, aujourd’hui très clairement prise au sérieux par le ministère des Armées.
Grâce aux Jeux Olympiques 2024, dont l’un des enjeux est de sécuriser cette menace, nous avons lancé le marché MILAD (Moyens Mobiles de Lutte Anti-Drones). Bien qu’elle ait multiplié les capteurs et les effecteurs, la menace drones ne peut pas être abordée de la même manière dans un événement civil ou une situation d’ordre militaire. Si les capteurs, qui détectent la menace, sont à peu près les mêmes, les effecteurs sont différents. Sur un champ de bataille, vous pouvez détruire le drone qui est en face. C’est plus compliqué de le faire au milieu d’une foule.
Dans votre rapport sur la haute intensité publié début 2022, vous rappeliez que l'armée de l'Air et de l'Espace préconisait 16 exemplaires SAMP/T Mamba pour “tenir l'ensemble des contrats”. Faut-il une commande de systèmes anti-aérien nouvelle génération dans la prochaine LPM ?
Oui. Aujourd’hui, nous sommes à huit batteries et nous pourrions être à douze Mamba avec la prochaine LPM. C’est loin d’être négligeable, même s’il faut garder à l’esprit que l’idée d’un dôme de fer ou d’acier n’existe pas ! Je pense par exemple aux Israéliens qui ne protègent pas la totalité du territoire, mais uniquement les zones peuplées. Notre défense sol-air vise d’abord à protéger la dissuasion et non tout le territoire. C’est un choix en cohérence avec notre doctrine de dissuasion.
Par ailleurs, je pense qu’il faut se méfier des attaques sous le seuil de dissuasion. À titre d’exemple, 200 missiles tirés en salve sur le territoire national nous feraient probablement entrer dans une posture de dissuasion nucléaire, tandis que nous resterions sous ce seuil avec des proxys non-étatiques tirant quelques missiles chaque jour. Mais il suffit d’un ou deux missile Scud qui arrivent tous les jours à Marseille et venant du flanc sud de la Méditerranée – comme le trou noir géopolitique qu’est la Libye – pour que nous ayons de grosses difficultés. Nous devons avoir une défense sol-air suffisamment robuste pour pouvoir protéger le pays au-dessous du seuil de dissuasion.
Où se situe la France par rapport à l’Italie ou à la Pologne, pays dans lesquels vous vous êtes rendu pour alimenter votre rapport sur la défense sol-air ?
Il faut bien distinguer les deux. L’Italie en est encore à des hésitations doctrinales. Est-ce à l’Aeronautica Militare (Armée de l’air italienne) de piloter la totalité de la défense sol-air – comme c’est le cas en France – ou doit-elle se mener aux côtés de l’Esercito italiano (Armée de terre italienne) ? De son côté, la Pologne a un très bon niveau capacitaire sur la défense courte-portée. Pour le reste, c’est le parapluie américain avec du Patriot !
La guerre informationnelle est une guerre à l'état pur.
Jean-Louis Thiériot
Douze mois après le début de la guerre en Ukraine, pensez-vous que la France a retenu la leçon des “dividendes de la paix” ?
Il faut commencer par le commencement. Jusqu’au milieu des années 80, la France consacrait 2,9% de son PIB à la défense. Si nous étions restés à ce que nous dépensions jusqu’en 1989, nous serions à un budget annuel entre 75 et 80 milliards d’euros par an. Aujourd’hui, avec un budget de 44 milliards d’euros, nous sommes très au-dessous de ce que nous avons fait – y compris pendant les Trente Glorieuses.
Jusqu’en 2015, nous avons totalement laissé en déshérence notre outil de défense, en partant du principe que les dividendes de la paix seraient éternels. Hélas, nous voyons bien à quel point c’était illusoire. Depuis 2000 ans, l’épée est l’axe du monde. 70 années de paix ont été un miracle et peuvent être lues comme une anomalie historique. Aujourd’hui, l’Histoire retrouve son cours et le temps de la mondialisation heureuse et de Francis Fukuyama s’est achevé.
En 2017, nous avons eu une première LPM “de réparation”. Celle-ci a été en partie respectée, mais nous sommes encore très loin d’arriver à l’optimum. Aujourd’hui, nous parlons d’une LPM “de transformation” et de 413 milliards d’euros. C’est effectivement une belle somme et il serait malhonnête de ne pas reconnaître cet effort. Est-ce suffisant pour autant ? Un choix a été fait par l’exécutif, et vu l’état de nos finances publiques, je peux difficilement lui en faire le reproche. Mais à titre personnel, je crois qu’il peut y avoir un “quoi qu’il en coûte” de la sécurité. Cela n’a pas été le choix du gouvernement qui considère que nous restons une puissance avec une stratégie mondiale. Dans cette nouvelle LPM, nous traitons les enjeux lointains, y compris dans l’océan Indien et dans le Pacifique – la Marine nationale a donc vocation à plutôt bien s’en sortir – et les nouvelles menaces (l’espace, le cyber et les fonds marins) sont bien identifiées. À cela s’ajoute l’influence, nouvelle fonction stratégique à part entière, dans un contexte où la guerre informationnelle est une guerre à l’état pur.
Certains industriels s'interrogent sur le concept d'"économie de guerre" car les commandes n'arrivent pas. Du côté de l’Élysée, on préconise plutôt la prise de risques et la montée en cadence. Sans commandes fermes de l’État, est-ce possible ?
Les industriels s’interrogent, moi aussi. Le terme “d’économie de guerre” répond bien aux enjeux du monde. C’est une très bonne chose que la souveraineté soit devenue un axe du discours présidentiel et ministériel. Mais s’il n’y a pas d’argent, cela ne restera qu’un slogan.
Cela soulève deux questions : celle des moyens, car sans commandes ou sans lettres d’intention fermes, il sera compliqué d’investir pour les industriels, et celle de l’exportation, qui est vitale pour notre base industrielle de défense (BITD). Sur cette dernière, il y a une vraie volonté du ministère des Armées de soutenir davantage les exportations. Je comprends très bien que l’on dise à un industriel “nous vous donnons une commande minimum et nous la décalerons si vous vendez à l’export”, mais l’industriel a besoin d’un filet de sécurité pour les commandes nationales.
Au niveau du régalien, des acteurs comme le CISC (Conseil des industriels de la confiance et de la sécurité), la direction générale des Entreprises (DGE) et la direction générale de l'Armement (DGA) sont tous très compétents individuellement mais ils ont besoin de travailler ensemble. Un pilotage politique, avec un secrétaire d’État à l’économie de guerre, permettrait de sortir de l’effet silo.
Enfin, la DGA a un gros travail à faire en matière de simplification : nous avons des spécifications extrêmement compliquées. Or il est peut-être préférable d’avoir un matériel qui remplit 90% du besoin mais est disponible rapidement, plutôt que d’attendre une technologie dont le développement prendra dix années supplémentaires.
Est-ce que la relocalisation des savoir-faire de notre BITD et la simplification des normes et des processus industriels seront suffisantes pour accélérer la production d'armes et de munitions en France ?
J’ignore si ce sera suffisant, mais c’est absolument nécessaire. Nous ne devons pas obligatoirement imposer des exigences de sûreté civile à des équipements militaires.
Comme je l’évoquais plus haut, nous devons intégrer la notion d’innovation incrémentale pour améliorer progressivement un matériel terrestre, aérien et naval, en particulier sur les systèmes à effets majeurs. Plutôt que d’avoir tout de suite le véhicule censé tout faire, gardons une architecture qui permette de développer autre chose ! Cette approche n’est pas encore totalement rentrée dans les mœurs.
Un travail de simplification de la commande publique est également nécessaire. Il faut davantage tenir compte de la singularité des marchés de défense nationale, s’affranchir des règles de concurrence. L’idée n’est pas de faire n’importe quoi, mais de simplifier. Il y a une forte volonté politique en ce sens de la part du ministre des Armées, Sébastien Lecornu et du délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva. À la commission de la défense nationale et des forces armées, nous réfléchissons à lancer une mission parlementaire sur la simplification des normes et des procédures dans l’acquisition et la conception de matériel d’armement.
La France doit réfléchir à ce qu'elle peut faire avec Nexter et son démonstrateur EMBT.
Jean-Louis Thiériot
Vous êtes régulièrement en contact avec des entreprises de la BITD. les industriels Se sentent-ils écoutés par le ministère des Armées ?
Écoutés à coup sûr, entendus cela reste à voir ! Nous sommes dans un jeu classique de négociation. Le ministère des Armées veut mettre la pression sur les industriels, et les industriels font leur métier d’industriels. La réalité est sûrement entre les deux.
Je ne participe pas à ces négociations, je ne peux vous livrer que des propos rapportés et ressentis. Selon les industriels, le ministère ne met pas assez d’argent sur la table, ne s’engage pas assez sur le long terme. De son côté, le ministère dit que les industriels doivent aller chercher les marchés à l’export et que s’ils ne les ont pas, il ne les laissera pas tomber et notifiera de nouvelles commandes. La vérité est probablement entre les deux !
En revanche, ce qu’ils me disent tous – même si c’est un tout petit peu moins vrai aujourd’hui qu’avant (ce que je vous dis ne vaut que pour les PME, pas pour les grands ensembliers), c’est qu’il y a toujours ce problème de financement de l’industrie de défense, en raison des règles de compliance et du risque réputationnel. En la matière, nous avons de gros efforts à faire.
Mais nous venons d’avoir une très bonne nouvelle sur ce sujet du financement : la création du premier fonds défense par Weinberg Capital Partners. Je tiens à le souligner, car elle s’inscrit dans la suite des deux missions parlementaires que nous avions faites sur le financement de la BITD. C’est un moment important dans l’écosystème de la défense en France, car on avait des fonds soit spécialisés dans l’aéronautique (Tikehau Ace Capital), soit des fonds à dominante publique (Definvest), pour attirer d’autres investisseurs. Nous n’avions pas de fonds défense sur initiative purement privée – c’est vraiment quelque chose que je recommandais. C'est un moment clé dans la prise de conscience de ce sujet.
L'année 2022 laissera des traces dans la relation militaire franco-allemande. Que devons-nous craindre pour la suite de ce partenariat ?
Depuis plusieurs années, nous enchaînons les déconvenues et aujourd’hui, nous constatons toute une série de gestes inamicaux d’un partenaire particulièrement coriace.
Prenez l’exemple de l’European Sky Shield. Ce programme est une plateforme d’achats permettant aux Allemands de reprendre la main, de se donner l’illusion d’être des bons élèves de la classe défense, alors qu’ils avaient complètement sous-investi ce secteur. Dans ce bouclier anti-missile “européen”, nous retrouvons des missiles allemands IRIS-T, des Patriot américains et des Arrow 3 israéliens. Le grand missilier européen MBDA et la France ne sont même pas consultés.
L’idée n’est bien évidemment pas de dire “on casse tout”. L’Allemagne est la première puissance du continent. Notre voisin géographique sera toujours une puissance centrale, mais nous devons continuer à travailler sans naïveté et en étant lucide sur les enjeux.
Par ailleurs, il faut prendre en considération une possible menace sur le segment blindé chenillé, puisqu’avec les livraisons de Leopard qui vont être faites à l’Ukraine, les différents stocks devront être recomplétés. La question est de savoir comment et par qui. Va-t-il y avoir une production accélérée de Leopard ? C’est peu probable, car les capacités de production de Rheinmetall seraient limitées à 24 chars par an. Il y a aussi la solution hypothétique du prototype du char Panther KF51, qui constituerait un risque pour le programme MGCS. L’autre risque, c’est de voir les Américains se glisser dans le trou et qu’après la communauté F-35, nous ayons une communauté Abrams et le risque de perdre ce marché. Nous devons être très vigilants. La France doit aussi réfléchir à ce qu’elle peut faire avec Nexter et son démonstrateur EMBT.
Je crois aussi qu’il ne faut pas s’enfermer dans un dialogue franco-allemand mortifère. Il faut continuer à parler aux Allemands, mais il ne faut pas hésiter à se tourner vers d’autres partenaires désireux de travailler avec nous. Je pense à l’Italie en particulier, avec lesquels nous partageons une vision stratégique commune à travers la Méditerranée élargie, qui va de Téhéran à Gibraltar et de Turin au golfe de Guinée et à la bande sahélo-saharienne.
De son côté, l’Allemagne vit un moment extrêmement compliqué avec son opinion publique et redécouvre l’importance de la guerre. Elle emploie le terme de Zeitenwende, le même terme que Luther employait pour parler de l’avènement du christianisme, marquant ainsi un changement d’ère.
L'année dernière, dans une interview au Point, vous indiquiez : “Nous avons une industrie de Défense, les Allemands ont une défense de leur industrie”. Pourquoi, selon vous, faisons-nous passer nos intérêts diplomatiques avant nos intérêts industriels ?
Le peuple romantique n’est pas celui que l’on croit. Nous avons investi affectivement la relation franco-allemande, alors que pour les Allemands nous sommes un partenaire comme les autres. Nous avons aussi cru que la force de ce couple effacerait certaines de nos faiblesses économiques, au profit de notre force militaire et diplomatique. En réalité, les Allemands ont la bonne approche d’un pays qui est d’abord un pays industriel - et nous connaissons la force de leur industrie. Je crois qu’avec les Allemands, il ne faut pas surinvestir le symbolique, pas dresser de totem. Si nous pouvons travailler avec les Allemands, faisons-le, si nous ne pouvons pas, essayons de le faire avec d’autres !
De mon côté, je reste très réservé sur les effets d’annonce du chancelier Olaf Scholz qui souhaite que l’armée allemande devienne “le pilier de la défense conventionnelle en Europe”. Cela fait bientôt un an que le fonds de 100 milliards a été annoncé et, en dehors des F-35 américains, aucune commande n’a été passée. Par ailleurs, l’armée allemande, rappelons-le, n’est pas une armée d’emploi. Avec leur statut de soldat-citoyen, vous avez toujours la possibilité de refuser d’être engagé en théâtre d’opérations. En 2022, 1000 soldats allemands ont demandé à être exemptés de servir dans les zones de guerre. Donc, en attendant d’avoir la première armée conventionnelle d’Europe, je demande à voir.
En Ukraine, nous envoyons du matériel qui fonctionne, contrairement à d'autres pays qui envoient de vieux matériels, à l'utilité opérationnelle relative.
Jean-Louis Thiériot
L'envoi de canons CAESAr en Ukraine a permis à Nexter de gonfler son carnet de commandes. Ne faudrait-il pas miser sur l'envoi d'équipements récents (Griffon, Serval, etc.) pour augmenter nos chances d'exportations futures face aux appétits de plus en plus agressifs des Sud-Coréens, Israéliens et Turcs ?
Je ne suis pas totalement convaincu. Il y a d’abord un enjeu de sécurité. Il ne faudrait pas que les technologies de pointe qui équipent certains de nos véhicules tombent entre les mains des Russes. Ensuite, qui dit sophistication et technologie de pointe dit maintenance en condition opérationnelle (MCO) lourde et compliquée. Les Ukrainiens sont quand même dans un conflit de haute intensité pour lequel nous n’avons pas le temps de les former.
Pour les exportations, je crois que le label Utilisé par les Armées françaises (UAF) est déjà important. Est-ce qu’il faut aller plus loin ? Je ne le pense pas. Je ne pense pas qu’envoyer cinq Jaguar soit un véritable game changer. Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que les matériels que nous envoyons sont bons et fonctionnent. Les canons CAESAr et les Mistral font un très bon travail.
Pensez-vous que les chars Leclerc et les Mirage 2000 puissent être des game changer dans cette guerre en Ukraine ?
La première question à se poser lorsque nous faisons des envois d’armements est celle de l’utilité par rapport au schéma stratégico-opérationnel du pays en question.
Sur le segment blindé lourd, les Ukrainiens ont déjà la totalité de la gamme des T-72, des anciens chars soviétiques dont il faut assurer la MCO et l’approvisionnement. Ils vont recevoir une salve de Leopard 1 et 2, avec respectivement deux calibres différents. Leur donner un escadron de Leclerc ne changerait pas grand-chose en termes militaires. En revanche, cette livraison pouvait jouer un rôle symbolique et c’est mon grand regret. Nous n’avons pas profité du Traité de l’Élysée pour avoir une annonce conjointe franco-allemande, qui aurait réchauffé les relations diplomatiques entre nos deux pays.
Concernant les Mirage, soyons prudents et assurons-nous que ce que nous livrons ne soit pas escalatoire. Livrer des avions qui iraient demain bombarder des bases à l’intérieur du territoire russe, peut devenir extrêmement compliqué.
Enfin, il faut faire attention à la tentation de l’affichage politique. La France effectue un excellent travail. Nous envoyons du matériel qui fonctionne, contrairement à d’autres pays qui envoient de vieux matériels, à l’utilité opérationnelle relative. La France n’a pas à rougir de ce qu’elle fait.
Avez-vous un livre de chevet géopolitique et/ou historique à conseiller à nos lecteurs ?
Je conseille deux livres à vos lecteurs. Le premier, c’est Le mythe de la guerre éclair de Karl-Heinz Frieser, un historien allemand qui a analysé la campagne de mai-juin 1940. C’est selon moi l’un des meilleurs livres pour comprendre ce qu’est le combat terrestre. Il permet de découvrir les réflexions tactiques appliquées au combat terrestre et surtout de percevoir les enjeux du commandement. Quand vous réfléchissez à la guerre en Ukraine et que vous lisez ce livre, vous vous rendez compte que la force d’une armée terrestre est le commandement par intentions et objectifs, qui s’accompagne d’une grande décentralisation dans le commandement. Vous avez simplement l’idée de manœuvre générale et les subordonnés agissent de manière autonome. C’est ce qu’ont fait les Allemands, avec le succès qu’on connaît en 1940.
Le second livre est One Hundred Days: Memoirs of the Falklands Battle Group Commander (non traduit en France), de l’Amiral Sandy Woodward, qui commandait la Task Force britannique pendant la guerre des Malouines. C’est l’un des meilleurs livres sur le combat naval. Il met en parallèle ses mémoires, qu’il a écrits après sa carrière de militaire, et ses notes de commandement et de combats qu’il a pris dans le feu de l’action. Ce livre se lit comme un roman !
*Aster 15, Aster B1 30 et Aster 30 B1NT