Réactivée en 2024 après vingt-cinq ans d’absence, la 19e brigade d’artillerie (19e BART) devait incarner le renouveau de l’artillerie dans une armée de Terre en pleine transformation. Placée sous l’autorité du Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR), cette brigade aux ambitions claires – frapper loin, vite et efficacement – est aujourd’hui au cœur d’un rapport parlementaire. Publié ce jour par les députés Jean-Louis Thieriot et Matthieu Bloch, ce document, intitulé “L’artillerie à l’aune du nouveau contexte stratégique“, pointe des lacunes capacitaires majeures qui pourraient compromettre la montée en puissance attendue.
Ambitions affichées, réalités structurelles
Lors de son interview en décembre 2024 à la Tribune de Lyon, le général Marc Galan, commandant de la brigade, présentait fièrement une unité dotée de « compétences uniques ». Trois régiments (le 1er RA, le 54e RA, le 61e RA) et une école des drones, soit 3 000 hommes et femmes, capables d’assurer une synergie entre frappe dans la profondeur, défense sol-air et renseignement par drone. « Notre plus-value réside dans la létalité, la protection et le commandement », expliquait-il alors.
Mais les rapporteurs constatent un décalage important entre la vision stratégique portée fin 2024 et la réalité des moyens effectivement disponibles. Le rapport révèle qu’à ce jour, l’état-major de la 19e brigade d’artillerie ne compte qu’une trentaine de personnels, loin des 52 nécessaires pour fonctionner pleinement. Pire : la brigade ne peut pas encore armer un poste de commandement autonome, ni bénéficier de transmissions tactiques indépendantes, faute de compagnie dédiée.
Une puissance de feu érodée par les dons à l’Ukraine
Autre sujet d’inquiétude : la faiblesse de l’arsenal de frappe dans la profondeur. Le 1er RA, pivot de la brigade, a cédé quatre de ses treize lance-roquettes unitaires (LRU) à l’Ukraine. Une décision compréhensible dans le contexte géopolitique, mais qui laisse la brigade sans capacité crédible d’appui-feu au niveau divisionnaire à compter de 2027, faute de remplaçant immédiat. Le programme « Frappe Longue Portée Terrestre » (FLPT), qui doit prendre le relais, n’est pas encore opérationnel.
Le général Galan évoquait pourtant en 2024 des équipements de pointe : LRU, radars Cobra, missiles Mistral, fusils anti-drones Nerod, drones Patroller… Mais le rapport parlementaire souligne que cette architecture reste aujourd’hui incomplète, dispersée et peu interopérable. La boucle acquisition-frappe – centrale dans les retours d’expérience ukrainiens – demeure lente, faute de numérisation cohérente et de coordination doctrinale.
Une course contre la montre d’ici 2026
La 19e brigade, qui n’atteindra sa capacité opérationnelle qu’en 2026 après validation, est donc à la croisée des chemins. Sans accélération des investissements humains, logistiques et numériques, elle risque de demeurer une ambition théorique. Pour les rapporteurs, « la mise à disposition rapide de capacités de transmissions et de commandement est absolument essentielle ». Faute de quoi, la brigade pourrait bien passer à côté de sa mission première : incarner l’artillerie de demain, au service d’une armée de Terre réellement capable d’entrer en haute intensité.