Vision nocturne : la pépite française Exosens passe à la 5G et accélère sa stratégie ITAR-free
Exosens a choisi le salon DSEI de Londres (9-12 septembre) pour lever le voile sur son tube intensificateur 5G. L’ambition est limpide : permettre aux soldats de voir plus loin, plus net, plus confortablement, sans alourdir la charge mentale lors des phases nocturnes. Derrière l’annonce, un chiffre résume le saut de génération : environ 30 % de performance globale supplémentaire et jusqu’à plus de 35 % de portée de détection par rapport aux standards actuels. Le FOM (Figure of Merit) minimal grimpe à 2 500 (contre 1 800 pour la 4G et 2 300 pour la 4G+), signe d’un bond tangible sur le terrain.
Une vision nocturne plus propre, pensée pour durer
Concrètement, le 5G limite bruit et scintillement en très faible luminosité, affine les textures et renforce les contrastes. Résultat : une image plus « propre », des décisions plus rapides et une fatigue visuelle moindre sur la durée des missions. Le tube reste flexible : mono ou binoculaire, rétro-compatible avec les générations précédentes, et à l’aise dans des systèmes grand champ (au-delà de 50°), où il augmente nettement la zone d’image exploitable. Les cas d’usage vont des jumelles classiques au pilotage d’hélicoptères de nuit, en passant par les dispositifs à large champ.

La méthode de développement explique en partie ce résultat. Exosens a travaillé en itération avec les utilisateurs finaux : des opérateurs ont testé des prototypes en amont, leurs retours orientant les réglages de performance et d’ergonomie. Le marché a répondu avant même le lever de rideau : plus de 5 000 unités ont été commandées, notamment par des forces spéciales, signe que la montée en gamme correspond à un besoin opérationnel clair.
Le message industriel compte autant que la fiche technique. Exosens produit environ 120 000 tubes par an (près de 2 500 par semaine) sur une chaîne largement intégrée en France, jusqu’aux machines conçues et assemblées sur site. Autre atout : les tubes sont « ITAR-free ». En clair, ils ne contiennent pas de composants américains soumis à des licences d’exportation, un point décisif pour des clients européens soucieux de souveraineté et de réactivité logistique.
De Photonis à Exosens : un totem de souveraineté
Le contexte joue en faveur de cette offre. La guerre en Ukraine a replacé la capacité de combat de nuit au cœur des plans d’équipement. Après les unités d’élite, l’enjeu est désormais d’étendre massivement l’équipement au niveau des compagnies d’infanterie, avec des critères qui dépassent la seule portée : confort d’image, stabilité, compatibilité, maintien en condition opérationnelle.
Et dire qu’il s’en est fallu de peu pour que l’entreprise passe sous pavillon américain. Il y a quelques années, alors qu’elle s’appelait encore Photonis, une vente à un acteur outre-Atlantique avait été envisagée avant d’être stoppée au nom des intérêts stratégiques nationaux. Rebaptisée Exosens en 2023, l’entreprise a depuis accéléré : chiffre d’affaires proche des 400 millions d’euros, effectifs et capacités de production doublés en moins d’une décennie, et un ancrage renforcé à Brive-la-Gaillarde, son site historique.
Face à deux concurrents directs, tous deux américains, Exosens revendique autour de 70 % du marché hors États-Unis pour l’amplification de lumière. L’Europe reste son socle, mais l’industriel regarde aussi l’Amérique, marché vaste et exigeant, pour lequel il investit localement afin de se rapprocher des programmes. L’enjeu des prochains mois sera double : tenir la montée en cadence du 5G sans rien céder sur la qualité, et convertir l’essai en nouveaux contrats d’armées régulières au-delà des forces spéciales.
À Londres, Exosens n’a pas seulement présenté un « produit ». Le 5G se pose en futur standard : des mètres gagnés en portée utile, des secondes gagnées en décision, et un véritable confort d’emploi. De nuit, c’est souvent la différence entre subir et garder l’initiative.