Le programme CaMo (Capacité Motorisée) entre dans une nouvelle phase. Après deux premières tranches signées en 2019 et 2023, la Belgique et la France négocient une troisième commande de véhicules blindés. Cette nouvelle étape pourrait porter sur environ 1500 engins, dont des Griffon et des Serval, qui viendraient renforcer les capacités de la Composante Terre belge.
Ce nouveau volet s’inscrit dans une vision stratégique plus large, révisée pour répondre à l’évolution du contexte sécuritaire européen. En commission de la Défense ce mercredi 2 juillet, le ministre de la Défense belge Theo Francken a souligné l’ampleur du projet. Il s’est étonné de l’absence de questions sur CaMo 3, estimant que ce programme « explose » et « dépasse de manière exponentielle l’achat de nouveaux F-35 ».
CaMo : un investissement structurant, au-delà des seuls blindés
La montée en puissance du programme CaMo suscite cependant des interrogations, notamment sur son coût global. Un rapport de la Cour des comptes, révélé au printemps, a estimé les dépenses à près de 14,4 milliards d’euros sur 25 ans. Cette somme ne concerne pas uniquement l’achat des Griffon et des Jaguar, mais englobe également la maintenance, les infrastructures, les munitions, les ressources humaines et les évolutions doctrinales liées à l’interopérabilité avec la France.
Face aux critiques, l’état-major de l’armée a tenu à clarifier les chiffres. Le général Filip Borremans, directeur général des ressources matérielles, a expliqué que le montant avancé par la Cour regroupait l’ensemble des dépenses planifiées dans les stratégies successives de 2016 à 2030, y compris celles qui n’ont pas encore été mises en œuvre. Il a insisté sur le fait que les montants sont bien prévus dans l’enveloppe budgétaire globale. Pour lui, il ne faut pas parler de dérapage, mais plutôt d’une adaptation du niveau d’ambition, rendue nécessaire par la guerre en Ukraine et les nouvelles exigences de l’OTAN.
Le général Baugnée, commandant de la Composante Terre, a rappelé que le partenariat avec la France allait bien au-delà d’un simple contrat d’armement. Il a précisé que l’OTAN ne demande pas une brigade, mais plusieurs bataillons motorisés, ce qui implique de nouveaux investissements. Une deuxième brigade, plus légère ou complémentaire, fait d’ailleurs l’objet de discussions. Selon lui, la priorité immédiate repose sur le renforcement capacitaire à travers les technologies, en particulier les drones.

Les retombées industrielles au cœur des négociations de CaMo 3
Dans le même temps, la question des retours économiques reste au centre des discussions. Bruxelles surveille de près les engagements de KNDS France, le constructeur des véhicules. Le gouvernement souhaite maximiser les retombées industrielles pour l’économie belge. À ce jour, KNDS France affirme avoir dépassé les objectifs initiaux sur CaMo 1, avec 101 % des engagements atteints et 67 % déjà facturés avant même la livraison du premier véhicule prévue à l’été 2025. Les véhicules Griffon sont assemblés à Staden, dans l’usine de MOL CY, tandis que FN Herstal équipe certains modèles en armement léger. Sur CaMo 2, signé plus récemment, les engagements restent plus modestes mais suivent la trajectoire prévue.
Les négociations pour CaMo 3 ont officiellement commencé en juin. Selon les premières estimations, elles porteront sur une centaine de Griffon supplémentaires, auxquels s’ajouteraient progressivement des Serval. KNDS France doit remettre ses offres dans les prochaines semaines. La Belgique entend profiter de ce calendrier pour durcir ses positions sur les retours industriels. D’après plusieurs observateurs, la publication du rapport de la Cour des comptes a permis au gouvernement de se préparer à des discussions plus fermes, en renforçant ses demandes sur les aspects économiques et sociétaux.
Le partenariat franco-belge pourrait également s’élargir. Le Luxembourg envisage de rejoindre le programme, ce qui permettrait de renforcer l’intégration entre alliés européens tout en répartissant certaines charges industrielles et opérationnelles.
Un appel parlementaire à plus de transparence
Au Parlement, plusieurs députés ont appelé à une meilleure transparence sur ce type de contrats à long terme. Charlotte Deborsu (MR) a insisté sur la nécessité d’obtenir des évaluations crédibles et précises dès le départ, notamment sur le coût complet du cycle de vie des équipements. De son côté, Koen Van de Heuvel (CD&V) a reconnu que les nuances du programme apparaissent plus clairement à mesure que les détails sont exposés.
Le programme CaMo reste l’un des piliers de la modernisation de l’armée belge. Son ambition dépasse l’équipement ; il engage aussi une transformation profonde de la doctrine, des infrastructures et du partenariat stratégique avec la France. La réussite de CaMo 3 dépendra désormais de la capacité des deux États à maintenir un équilibre entre ambitions opérationnelles, maîtrise budgétaire et retours industriels concrets.