La Bundeswehr s’apprête à commander une constellation de 40 satellites SAR à Rheinmetall et ICEYE pour 3 milliards d’euros
Selon plusieurs médias allemands, Rheinmetall est sur le point de décrocher un premier contrat spatial majeur : la fabrication d’environ 40 satellites d’observation en orbite basse (LEO), en partenariat avec la pépite finlandaise ICEYE. Le marché, estimé à près de 3 milliards d’euros, est « quasi prêt à être signé », sous réserve du feu vert du comité budgétaire du Bundestag attendu d’ici la fin de l’année. La production serait réalisée sur le site de Neuss (Rhénanie), où le groupe convertit déjà des capacités vers l’activité spatiale.
Un changement d’échelle pour la Bundeswehr
Le cœur du projet repose sur des satellites à radar à synthèse d’ouverture (SAR), capables d’imager de jour comme de nuit et par tous temps : un apport direct pour la surveillance de mouvements de troupes, d’infrastructures ou d’activités maritimes. ICEYE, qui exploite déjà la plus grande constellation SAR commerciale, fournirait la technologie tandis que Rheinmetall industrialiserait et intégrerait la charge utile en Allemagne au sein d’une co-entreprise dédiée, Rheinmetall ICEYE Space Solutions (60 % Rheinmetall, 40 % ICEYE). Le démarrage industriel à Neuss est visé à partir de 2026. Reste une inconnue : l’opérateur final de la constellation, la Bundeswehr ou un industriel, un choix qui pèsera sur le périmètre et la valeur du contrat.
Sur le plan capacitaire, la Bundeswehr ne dispose aujourd’hui que d’un nombre limité de satellites souverains et achète déjà des données SAR à des fournisseurs privés. La bascule vers une constellation nationale marquerait un changement d’échelle : cadence de revisite plus élevée, réactivité tactique accrue et résilience face aux brouillages et aux dénis d’accès. Elle s’inscrirait aussi dans l’« accélération spatiale » voulue par Berlin : le ministre Boris Pistorius a annoncé fin septembre un investissement de 35 milliards d’euros d’ici 2030 pour bâtir une architecture de sécurité en orbite (constellations d’observation et de communication, stations sol, capacités de lancement et centre de conduite).
Rheinmetall : nouveau pilier du spatial européen ?
Le contexte stratégique pousse à l’urgence. Le ministère de la Défense a dénoncé le suivi rapproché de satellites de communication utilisés par l’Allemagne par des engins russes de la série Luch-Olymp, illustration d’un espace devenu plus contesté. L’Allemagne veut donc durcir ses moyens de surveillance et explorer des options actives de protection orbitale sans création de débris.
Pour Rheinmetall, ce contrat ouvrirait un nouveau pilier de croissance au-delà des munitions et des véhicules terrestres. Pour l’Allemagne, il s’agit de sécuriser un accès souverain et rapide à l’imagerie, tout en relocalisant une partie de la chaîne de valeur. À l’échelle européenne, le mouvement intervient alors que se reconfigurent les alliances industrielles autour des satellites ; Berlin affiche ainsi sa volonté de garder la main sur des briques critiques.
Sans attendre IRIS² (Infrastructure de Résilience et d’Interconnexion Sécurisée par Satellite), la Bundeswehr accélère sur une constellation d’observation nationale, pensée en parallèle et en complément des futures capacités de connectivité européenne. Si le Bundestag confirme la ligne budgétaire, la Bundeswehr ferait un saut capacitaire tangible en observation, prélude probable à des constellations dédiées aux communications et au renseignement électromagnétique. L’enjeu, désormais, sera d’orchestrer l’interopérabilité avec les systèmes alliés et de tenir des délais industriels serrés dans un marché mondial très disputé.