MBDA entre au capital de NanoXplore, spécialiste des puces critiques pour la défense et le spatial
NanoXplore vient de franchir un cap. Ce 17 décembre 2025, le spécialiste français des puces électroniques de haute fiabilité a annoncé une levée de fonds de 20 millions d’euros auprès de MBDA et du Fonds Innovation Défense, géré par Bpifrance. Une opération qui vaut moins par son montant que par son signal : la microélectronique critique, longtemps cantonnée aux cercles techniques, devient un enjeu industriel et stratégique assumé.
La défense comme relais de croissance… et comme test de maturité
NanoXplore conçoit des FPGA (Field Programmable Gate Arrays), ces circuits programmables et reconfigurables qui servent de « cerveau adaptable » à de nombreux systèmes. Leur particularité, ici, tient au durcissement face aux radiations : une exigence pour l’espace, où l’électronique encaisse des contraintes que le civil ne rencontre jamais. L’entreprise met en avant des références sur des programmes européens comme Galileo et Copernicus, et plus largement une capacité rare en Europe sur ce type de composants.
Cette expertise n’a rien d’abstrait. Dans un satellite, un missile, un radar ou un système embarqué, le matériel électronique conditionne la robustesse, la disponibilité, la durée de vie. Autrement dit : sans composants fiables, la performance opérationnelle reste théorique.
L’entrée de MBDA n’est pas anodine. Elle traduit une logique d’alignement entre un industriel qui maîtrise les architectures de systèmes d’armes et un fournisseur positionné sur une brique critique. NanoXplore explique déjà travailler sur des usages défense et veut accélérer : nouveaux composants orientés sécurité, très basse consommation, et adaptation de ses technologies aux plateformes terrestres, aériennes et navales.
Le message est clair : l’entreprise ne veut plus rester cantonnée au spatial, marché exigeant mais relativement étroit. La défense offre des volumes potentiels plus importants, mais aussi une concurrence plus structurée et des cycles d’homologation rigoureux. Pour passer ce cap, NanoXplore cherche à se rapprocher des besoins opérationnels, et à gagner en capacité d’exécution.
« ITAR free » : réduire le risque de blocage
L’autre point saillant, c’est la question de la dépendance. NanoXplore revendique une chaîne d’approvisionnement européenne et une approche « ITAR free », c’est-à-dire pensée pour limiter l’exposition aux contraintes américaines d’exportation. Dans un contexte de tensions technologiques et de réarmement européen, l’argument pèse : maîtriser des composants critiques, c’est réduire le risque de blocage, de restriction ou de perte d’autonomie sur des programmes sensibles.
Mais le sujet dépasse l’étiquette. La microélectronique reste un domaine où les capacités de fabrication les plus avancées sont largement concentrées hors du continent. Même avec une conception européenne solide, certaines étapes industrielles imposent encore des arbitrages.
Ce tour de table dit deux choses. D’abord, qu’un acteur comme MBDA préfère sécuriser ses briques amont plutôt que subir les aléas de marché. Ensuite, que l’Europe commence à traiter la microélectronique comme une affaire de puissance, pas seulement de compétitivité.
Reste l’essentiel : transformer un avantage technologique en capacité industrielle durable. Cela se joue sur les volumes, la maîtrise de la chaîne de valeur, et la capacité à tenir une feuille de route sur plusieurs années. Le financement est une étape ; l’exécution fera le reste.
Photo © NanoXplore