Au moment où Paris et Rome défendent leurs briques Aster comme socle d’une défense antimissile européenne, Berlin trace une autre trajectoire : un plafond israélo-américain. En renégociant l’achat d’un nouveau lot d’intercepteurs Arrow 3 auprès d’Israel Aerospace Industries (IAI), l’Allemagne consolide le plus ambitieux programme de défense balistique déjà engagé sur le continent – sans Aster, mais au cœur de l’OTAN.
Tout part du contrat d’août 2023 : 3,5 milliards de dollars, plus grosse exportation de défense de l’histoire israélienne. L’accord fait de Berlin le premier opérateur étranger d’Arrow 3, système codéveloppé avec la Missile Defense Agency (MDA) américaine. Il inclut lanceurs, centres de commandement, radar EL/M-2080S Super Green Pine et un premier stock de missiles, en cours de déploiement dans la Luftwaffe pour une mise en service opérationnelle d’ici fin 2025, avec MBDA Deutschland et IABG à l’intégration OTAN.
La nouvelle négociation vise le nerf de la guerre : le volume. Berlin veut assez d’intercepteurs pour encaisser des salves répétées, dans des scénarios de saturation désormais familiers en Ukraine et au Moyen-Orient. Dans l’European Sky Shield Initiative (ESSI), Arrow 3 occupe la couche très longue portée, tandis que d’autres Européens s’appuient, eux, sur les Aster franco-italiens pour leurs propres architectures.
Militairement, Arrow 3 est un tueur de missiles en haute altitude : interception exo-atmosphérique au-delà de 100 km, portée annoncée jusqu’à 2 400 km, logique « hit-to-kill » visant directement les vecteurs balistiques, y compris potentiellement nucléaires. En arrière-plan, un triangle se dessine : technologie en Israël (Be’er Yaakov), composants et feu vert à Washington, pilotage opérationnel à Berlin. La France et l’Italie peuvent mettre en avant Aster comme réponse européenne crédible, mais la réalité du moment est brutale : la couche haute du bouclier européen se construit aujourd’hui hors du continent.